Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/824

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’y suis venu pour la première fois ! Vous jugez bien que j’ai recommencé mon rêve éternel. Je ne vois pas une solitude que je ne sois tenté d’y vivre et d’y mourir. Vous ne me croyez pas ; mais pourtant le seul désir qui survit à tous les autres, et qui revient sans cesse, et qui m’a persécuté dans ma jeunesse comme sous mes cheveux gris, doit avoir un principe dans mon naturel. Mon mal est d’être né propre à plusieurs choses, mais mon penchant est bien réel pour un seul état, le repos et l’oubli… « J’attends de vous une de ces bonnes lettres comme à Berlin. »


Samedi matin, 15 décembre 1812. — « Vous êtes toujours admirable pour vos amis. Je sais que Villèle dit bien, mais peut-être fait-il mal. Il est poussé dans ce moment par l’opinion royaliste qui jette les hauts cris. Je ne crois pas un mot de l’opposition du Roi. C’est le prétexte éternel, et je sais au contraire que le Roi dans ce moment était mieux pour moi que pour eux. C’est uniquement la faute de Monsieur et de mes prétendus amis. Je regrette, je l’avouerai, les Affaires étrangères. Je suis convaincu que j’y aurais réussi en dedans et au dehors. L’Instruction publique ne me plaît point du tout. Mais je n’ai pas besoin de faire le dégoûté. Je n’aurai rien et je m’en console… »


[Au Mesnil], ce mardi soir [18 décembre 1821]. — «… Je serais heureux ici, si je pouvais l’être où vous n’êtes pas, et si je ne recevais de Paris des lettres qui m’impatientent et qui me troublent. J’ai envie, si cela continue, de rompre toute correspondance avec le genre humain et de mettre un terme à des tracasseries que je ne puis plus supporter. Plus je tâche de n’offenser personne, plus on exige de moi. Je suis trop bête et trop bon. Je me corrigerai. Au reste, chère sœur, c’est bien de tout cela qu’il s’agit ! La politique le matin, le travail le soir, ont bien de quoi m’occuper. Bon Dieu, quand serai-je riche, en paix, seul avec mes livres, oublié en quelque coin du monde, excepté de vous ? Votre amitié me console de tout… J’ai vu dans la Gazette les honneurs de mon ami Mathieu : le voilà chef de l’injustice. Cela va bien avec son nom. Bonjour, chère sœur bien-aimée. Croyez que je vous suis attaché pour jamais, et que votre amitié est pour moi le premier des biens. »


8 heures [fin décembre 1821]. — « On vous trompe et moi