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orthodoxes ! Les toilettes s’affrontent et se toisent. Les eucologes et les éventails chargent les mains gantées. On potine, on fait beaucoup d’embarras. Les jeunes gens, sur le trottoir en face, lorgnent les groupes… Quand la messe est « ambassadrice » ou « consulaire, » cela devient tout à fait admirable. Le personnel diplomatique arrive dans des landaus de gala, flanqués de kawass aux chamarrures resplendissantes. La descente de voiture, entre une double rangée de curieux, est sensationnelle. Il faut voir les petits attachés d’ambassade, ou les apprentis-drogmans, tendant le mollet sous la bande d’argent du pantalon et la pointe de l’épée à poignée de nacre, bombant leur torse dans le bel habit brodé de palmes. Le clergé, revêtu de ses ornemens pontificaux, vient au-devant de la troupe. Les orgues tonnent, on défile, on envahit les chaises réservées qui s’alignent devant la grille du chœur. M. le consul et Mme la consulesse occupent deux sièges et deux prie-Dieu jumeaux, de véritables trônes drapés de velours et garnis de coussins à crépines d’or, comme on en voit dans les portraits royaux de Velazquez. L’étiquette et le décor sont toujours dans la grande tradition louisquatorzième. Comment ne pas être indulgent pour des pompes religieuses où Ion joue un si beau rôle ?

Je me rappelle une fête de la Pentecôte, au Caire, comme un des plus amusans spectacles que j’aie contemplés en ce genre. Ce jour-là, j’assistai à trois messes : une chez les Coptes orthodoxes, l’autre chez les Coptes-unis, la troisième chez les Franciscains. Celle des Franciscains était « consulaire, » c’est-à-dire que le représentant de la République française en devait rehausser l’éclat par sa présence. Je commençai par celle-là…

Lorsque j’arrive, la grande nef est comble, malgré la chaleur. Le public attend. Des sacristains vont et viennent dans le chœur, allumant des cierges et des candélabres, disposant des vases… Enfin des claquemens de fouet crépitent dans les ruelles étroites qui aboutissent au parvis : c’est le cortège officiel qui débarque. Les cannes à pomme d’or des kawass martèlent les escaliers. Derrière eux, ces messieurs de l’Agence et du Consulat général se forment en rangs, dans le narthex. Toutes les têtes retournées sont tendues vers l’épaisse tenture qui masque la baie du portail… Pourquoi n’entrent-ils pas ? On se le demande d’une chaise à l’autre… Il paraît que le clergé est en retard, — le clergé qui, suivant le protocole, doit aller offrir l’eau bénite à