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ceux du projet gouvernemental. Cette fois, c’en est trop. Le chancelier, — sur l’ordre de l’Empereur, assure-t-on, — se lève en sa qualité de président du Conseil. Il déclare la motion inconstitutionnelle et quitte la salle des séances[1]. Pour la première fois, l’agrarianisme sent en face de lui une résistance, qui d’ailleurs n’émeut point ses chefs. Pour la première fois aussi, les hésitans se demandent si ce n’est pas au gouvernement qu’il est opportun de se rallier en vue de la bataille finale.

Les mois passent, et la Commission poursuit son arrogant travail. Le 6 octobre, elle publie ses résolutions, qui maintiennent toutes ses exigences. Au Reichstag, le 16 octobre, le chancelier les repousse. Il montre le péril où l’on va : rejet du tarif et maintien du statu quo, défavorable à l’agriculture en vue des négociations douanières. Le 21, 194 voix contre 145 adoptent cependant contre le gouvernement le texte de la Commission. On parle alors d’une crise de chancellerie. M. de Bülow pourtant ne perd pas espoir. Il laisse le débat continuer et négocie dans la coulisse. On signale ses entrevues avec M. Spahn, chef du Centre, qui, pour lui rendre visite, arbore un chapeau haut de forme, point de mire de tous les regards. L’Empereur, pour marquer sa confiance à son ministre, s’invite à dîner chez lui. Sans qu’on sache dans le public pourquoi ni comment, le vent change. Du 25 octobre au 6 novembre, plusieurs chiffres du tarif gouvernemental passent contre ceux de la Commission. Le 13 novembre, sur la proposition d’un député du Centre, on substitue le vote par bulletin au vote par appel nominal pour enlever à l’obstruction son arme favorite. Le gouvernement reprend le dessus. Et déjà sa victoire, au prix de certaines concessions, paraît probable.

Dès ce moment, en effet, la marche du débat va se précipiter. Au cours de successifs dîners parlementaires chez le chancelier et chez le président du Reichstag, l’accord s’établit. Le 27 novembre, les bases en sont officiellement annoncées. Le gouvernement consent à élever de un mark le droit d’entrée sur les orges de bière. La majorité renonce, en revanche, au droit minimum sur les orges destinés au bétail et, pour le reste du tarif, accepte les chiffres minima du gouvernement. Cette combinaison est originairement l’œuvre du Centre. Mais, en moins d’une semaine, les

  1. Chambre des députés de Prusse, 2 juin 1902.