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lien religieux entre Orientaux. Quant à l’armée turque, de bons juges prétendent qu’elle est loin d’être négligeable et que, s’il y a beaucoup à dire sur le corps des officiers, les simples soldats sont parmi les meilleurs de l’Europe.

Ce dernier point est capital, digne de provoquer toutes nos réflexions. Les Turcs sont, par excellence, une nation militaire. Ils ont prouvé, lors de leur dernière guerre contre les Grecs, qu’ils n’avaient rien perdu de leurs qualités. Tout récemment encore ils nous l’ont rappelé, lors du conflit crétois. A quoi le maintien de la paix a-t-il tenu ? L’ardeur belliqueuse du nationalisme jeune-turc est trop évidente. Un jour ou l’autre, il cédera à l’exaltation du sentiment populaire. Nous croyons trop aisément que tout s’arrange avec des notes diplomatiques et des tribunaux d’arbitrage. En réalité, on n’obéit qu’à la force, ou à la peur, ou au bon sens le plus terre à terre, qui conseille de s’incliner devant le fait accompli, quand il n’y a pas moyen de s’y soustraire.

Il devient de plus en plus nécessaire de le répéter dans un pays comme le nôtre, en mal d’utopies révolutionnaires et pacifistes. Hélas ! malgré tout ce qui nous est enseigné, on n’a jamais vu d’idées victorieuses qu’à la suite des armées. Intellectuels que nous sommes, le monde est loin de notre rêve ! Le droit est toujours écrasé par la violence, s’il est incapable de lui résister. Michelet lui-même, esprit chimérique, mais qui tempérait de bon sens plébéien son imagination aventureuse, Michelet le proclamait dans son livre du Peuple : il disait que la France doit rester la première nation militaire du monde, être le soldat de la Révolution, si elle veut assurer le triomphe des idées révolutionnaires.

Ces idées, dont nos partis « avancés » sont si fiers, ces idées qui, d’après eux, sont appelées à renouveler le genre humain, elles sont à la merci d’une nation, qui aura le courage d’être une phalange macédonienne au milieu de troupeaux désarmés. Au lieu de nous tenir prêts pour la lutte, nous recommençons toutes les folies de l’Empire romain à la veille des invasions. Non seulement, nous ne voulons plus payer de notre personne, mais nous initions les Barbares à notre tactique, nous leur vendons nos armes, nous leur montrons à s’en servir. Déjà les Marocains se révèlent d’excellens élèves. Les montagnards du Riff occupent assez sérieusement, il me semble, une armée espagnole de