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Compagnie était imprimé en toutes lettres ; on affirmait qu’elle n’était « autorisée ni par le Roy, ni par les évêques, ni par les magistrats ; » qu’elle était tout à fait secrète, à la différence des congrégations et « associations » des Jésuites ; et bien que l’auteur du Mémoire se défendit de vouloir répandre son pamphlet partout, le tirage en fut assez grand pour qu’aujourd’hui l’on en retrouve de nombreux exemplaires : de l’aveu de d’Argenson, « quelque soin que se donna la Compagnie, pour le supprimer, elle n’en put jamais venir à bout. » D’ailleurs, le dénonciateur anonyme prenait bien soin de communiquer son factum « à ceux à qui il appartient de connaître et de corriger les excès que l’on y représente, » c’est-à-dire aux « supérieurs » de l’État ou de l’Église.

Ces révélations importantes tombaient à un moment où elles devaient faire sensation.

Le monde, que les dévots du Saint-Sacrement avaient la généreuse ambition de conformer à l’idéal chrétien, commençait à s’aviser, au moins vaguement, que des efforts d’une intensité et d’une habileté nouvelles s’appliquaient à sa conversion. Dans ces années-là même, à la plupart de ses plaisirs on attentait avec ensemble, et avec une précision pressante et efficace[1]. En 1659, les principaux magistrats de Paris recevaient la visite de deux particuliers (deux membres de la Compagnie) qui faisaient une tournée de sollicitation « pour que fût prohibé le jeu de hoca, » naguère importé d’Italie et dont raffolaient alors toutes les classes de la société. En 1660, le Palais voyait, et d’un fort mauvais œil sans doute, se renouveler, auprès des « principaux magistrats, » — par les amis intimes du premier président Lamoignon, — des instances pour l’interdiction de cette « cause grasse » du carnaval, où s’esclaffait depuis le moyen âge la gaîté des robins. La même année il était question, dans l’Assemblée générale du Clergé de France, de proposer au Roi « la translation de toutes les foires qui se tenaient les jours de fête, » et c’était un des membres de la Compagnie du Saint-Sacrement, Mgr de La Barde, qui poussait cette pointe. L’année suivante, la Compagnie de Marseille s’occupait « d’empêcher que les comédiens ne jouassent pendant le jubilé ; » en 1662, elle projetait « de mettre un terme au libertinage des masques. » Si

  1. Dom Beauchet-Filleau, p. 192, 199, 200, 202, 239. Cf. Allier, la Compagnie du Très-Saint-Sacrement de l’autel à Marseille. Champion, 1909, p. 65, 120-121.