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groupe de la comtesse de Soissons, de la princesse Palatine et de la Duchesse d’Orléans, du comte d’Harcourt, du marquis de Vardes et du maréchal de Grammont, les « dévots » étaient à la fois ridiculisés comme des gêneurs, et combattus comme des concurrens au pouvoir. Et la façon dont Louis XIV, s’émancipant de son confesseur et de sa mère, se vengeait sur les dames d’honneur trop rigides des verrous opposés à ses amourettes, semblait présager que le futur souverain malmènerait les « austères » et les « hypocrites. » — Dans le monde, qui devenait assez fier et bruyant, des « beaux esprits, » même impatiente hostilité se marquait contre les influences religieuses militantes. Ninon de Lenclos enfermée, ne fût-ce qu’un instant, en 1657, aux Madelonnettes, parce qu’elle « dogmatisait sur la religion ; » — l’Agrippine de Cyrano de Bergerac interdite la même année pour quelques vers hardis : — le prince de Conti entreprenant (1656-1657) contre le théâtre une campagne de proscription réglée : toutes ces mesures avaient un air d’inquisition bigote qui taquinait les lettrés. — Enfin il se trouvait alors que la bourgeoisie même, au moins à Paris, la bourgeoisie des avocats et des médecins, faisait chorus avec les épicuriens ou indépendans de la littérature comme avec les courtisans viveurs. D’autant plus « frondeuse » en paroles qu’elle était guérie de la Fronde en action, de tradition toujours un peu sceptique et de plus en plus gallicane, sévère pourtant au fond, et touchée de jansénisme, elle s’effrayait des complaisances que Mazarin, son vainqueur, paraissait avoir pour les Jésuites ; elle se scandalisait de voir (octobre 1660), brûlées par la main du bourreau, ces Provinciales qui respiraient la bonne odeur française de la Satire Ménippée.

De tous ces mécontentemens divers, le pamphlet sur l’Ermitage de Caen bénéficia, bien qu’écrit, lui aussi, par des dévots. Dénonciation d’un péril clérical mystérieux, presque aussi solennelle qu’un siècle et demi plus tard le « Mémoire à consulter » de Montlosier, il fit, sans tarder, son effet. Guy Patin vient de le lire sans doute, quand le 6 août 1660, il écrit, tout ému, à Falconet : « Paris est plein aujourd’hui de faux prophètes. Nous avons des Scribes et des Pharisiens…, des fripons, des filous même, en matière de religion. On ne vit jamais plus de religion et de moinerie, et jamais si peu de charité… Tous ces gens-là se servent du nom de Dieu pour faire leurs affaires et tromper