Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/908

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tartufe, » où les membres de la Compagnie du Saint-Sacrement avaient plus d’une raison, comme on le verra tout à l’heure, de s’estimer pris à partie ; on travailla encore en 1665 à « procurer » contre les blasphémateurs « une forte déclaration du Roi. » Nulle part on ne « laissa périr l’œuvre de Dieu, » et d’après la correspondance de Paris avec Marseille[1], comme d’après la relation de Voyer d’Argenson, les séances de la Compagnie furent toujours « pleines d’affaires. »

Toutefois, à partir de 1661, les assemblées plénières, jusque-là hebdomadaires, se font rares. Et de cette rareté, le résultat était grave. Au point de vue financier d’abord : « faute de s’assembler en nombre considérable, le coffret » des quêtes du jeudi « s’épuisait. » Puis et surtout au point de vue moral. Assurément, une petite élite avait toujours mené le grand nombre. Ce grand nombre, toutefois, était nécessaire : il représentait la pensée dont l’œuvre du Saint-Sacrement était sortie : la coalition énergique des catholiques d’avant-garde en vue de la contre-réformation. Par la suppression des assemblées disparaissait la forme essentielle de cette vie collective. Seuls, les « officiers » se réunissaient, et encore « chaque quinzaine » seulement, et « sans forme d’assemblée, » sans « registre ; » les noms mêmes de supérieur, de directeur, d’officiers étaient abolis, ainsi que toute préséance, de peur d’une descente imprévue de police. Seuls, munis de pleins pouvoirs, ils prenaient les décisions, avec le droit d’en garder, même à l’égard des membres de la Compagnie qu’ils pouvaient encore rencontrer, le secret. Eux seuls se renouvelaient et s’élisaient eux-mêmes. Il est vrai qu’à chaque nouveau bureau s’adjoignaient les membres du bureau précédent et quelques conseillers bénévoles, pour tâcher de « maintenir la Compagnie dans la pureté de son esprit. » Il est vrai aussi qu’on essaya, en 1660, de remplacer les assemblées plénières par des assemblées de canton, dans les paroisses de Saint-Sulpice, de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, du Louvre, de Saint-Nicolas-des-Champs ; mais ces groupemens étroits disparurent en un an. Le contact des âmes disparaissant, le courage faiblissait. La menace, désormais précise, des descentes de

  1. Voyez la Compagnie secrète du Saint-Sacrement. Lettres du groupe parisien au groupe marseillais, Paris, Champion, 1908, et l’ouvrage de M. Allier sur la Compagnie de Marseille, cité ci-dessus. Cf. dans les Études du 5 octobre 1909 un article du P. Brucker sur ces deux publications.