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empêcher le triomphe de l’esprit de Lumière. Aussi bien est-ce encore Monostatos qui nous apparaît, dès le lever du rideau, en compagnie d’un chœur d’esclaves de la méchante reine. « Victoire ! chantent-ils. Nous avons pu accomplir, au moins, la moitié de ce que nous commandait notre maîtresse ! » Et lorsque celle-ci, à son tour, surgit des profondeurs du sol pour s’enquérir auprès d’eux du succès de leur mission, ils lui répondent que, suivant son ordre, ils ont réussi à enfermer dans un cercueil d’or l’enfant nouveau-né de Pamina et de Tamino ; mais le cercueil, aussitôt, par un prodige fâcheux, est devenu trop lourd pour qu’ils pussent l’emporter, de telle sorte que l’enfant est resté au palais, mais emprisonné et scellé à jamais dans une tombe magique qui ne permettra pas même aux parens le plaisir de le voir. Et, en effet, nous voici transportés ensuite dans un « salon royal » du palais de Tamino, où des servantes promènent sans arrêt le sarcophage d’or : car il a été dit que celui-ci s’enfoncerait sous terre, au premier instant de repos qu’on lui laisserait. Du moins, les femmes qui le portent peuvent-elles assurer à Tamino que l’enfant est vivant : et l’immense douleur du père se trouve, par là, un peu consolée.

Nouveau décor : une cabane au milieu d’un bois, avec une infinité d’oiseaux sur toutes les branches. C’est la demeure de Papageno et de Papagena, à qui Tamino, en cadeau de noce, a donné sa flûte merveilleuse, et qui d’ailleurs en profitent surtout pour charmer toute espèce d’animaux et d’oiseaux comestibles, de manière à n’avoir pas même la peine de les faire rôtir. Hélas ! cet enviable privilège ne suffit pas à les contenter, et peu s’en faut que ce couple, autrefois joyeux d’une gaité surhumaine, n’en arrive maintenant à se bouder, dans l’excès de son chagrin : tout cela parce que le ciel continue à leur refuser la troupe bruyante des petits Papagenos et Papagenas délicieusement espérés dans le dernier finale de la Flûte Enchantée.

Et puis nous sommes dans le temple des prêtres égyptiens. Ceux-ci se trouvent avoir, dans leur code, une loi que Schikaneder a négligé de nous faire connaître. Tous les ans, l’un d’eux, choisi au sort, se dévêt de sa robe de mage pour endosser l’humble habit du pèlerin ; après quoi, il s’en va, de par le monde, apprenant la sagesse et répandant les bienfaits, mais toujours muni d’une boule de cristal dont la moindre faute commise ternirait l’éclat. Le « pèlerin » de l’année précédente vient justement d’achever son voyage ; et c’est Sarastro que le hasard désigne pour accomplir, à son tour, pendant un an, l’exploration charitable des misères du monde.

Des deux scènes suivantes, Gœthe nous a laissé seulement le