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LE PRINCE DE BÜLOW.

tactique, les socialistes, les Guelfes et les Polonais. Le chancelier qui, le 3 décembre, avait esquissé un replâtrage, perdit-il patience ? Saisit-il plutôt l’occasion d’exécuter un plan concerté avec l’Empereur ? Quoi qu’il en soit, le 13 décembre, il lit front et prit l’offensive. « Si vous voulez, la crise, s’écria-t-il, vous l’aurez ! » M. Spahn accepta le défi. Par 177 voix contre 168 et une abstention, les crédits furent rejetés. Le prince de Bülow se leva aussitôt et prononça la dissolution du Reichstag. La majorité, qui le soutenait depuis son arrivée aux affaires, était désormais rompue. Une nouvelle ère parlementaire s’ouvrait, dont la paradoxale incertitude éclatait d’avance à tous les yeux.


III

Étant donné les conditions dans lesquelles survenait la dissolution, le chancelier avait pour premier devoir de trouver une majorité. Mis en échec par la coalition des catholiques, des socialistes, des Guelfes et des Polonais, il devait nécessairement s’efforcer de leur opposer devant le pays l’union des conservateurs et des libéraux. Et de cette nécessité résultait la tendance générale de la campagne électorale. Pour les partis de gouvernement, cette campagne ne pouvait être que nationale, puisqu’elle était dirigée contre quatre partis qui, l’un par l’ultramontanisme, l’autre par l’internationalisme, les deux autres par l’autonomisme étaient tous trois antinationaux ou du moins non nationaux. Conclusion captieuse, dira-t-on, puisque de ces trois partis, le plus fort numériquement, le Centre, avait, pendant quinze ans, constamment voté avec le gouvernement et joué, notamment en matière militaire, le rôle le plus national qui se pût concevoir. Conclusion conforme, en tout cas, à la volonté réfléchie de l’Empereur et du chancelier qui, en ouvrant une campagne patriotique, en choisissant pour plate-forme la défense du drapeau engagé aux colonies, en élargissant cette plate-forme par une propagande systématique, cherchaient un dérivatif à la crise de mécontentement et de lassitude qui avait précédé la dissolution.

Le Centre abordait la lutte avec confiance. Janus à double face, il oubliait momentanément son rôle gouvernemental pour ne retenir que ses tendances démocratiques et se posait en