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parti d’opposition, défenseur des droits du Reichstag contre le pouvoir personnel et l’arbitraire administratif. « Aucune voix catholique aux nationaux-libéraux ! Aucune voix catholique aux social-démocrates ! » tel était le double mot d’ordre qu’il lançait au début de la période électorale, réservant ainsi sa liberté de manœuvre vis-à-vis des conservateurs, que son grand dessein, dès ce moment, était de reconquérir un jour. Les socialistes, alliés le 13 décembre aux catholiques, ne rencontraient pas en 1907 un terrain aussi favorable qu’en 1903. Le vote des tarifs douaniers et les coups de majorité qui précipitèrent ce vote avaient, quatre ans plus tôt, merveilleusement servi leur cause. La question coloniale et nationale, occasion de la dissolution, devait leur être moins propice. Bien que le congrès d’Iéna de 1906 eût plutôt accru leur force électorale par l’échec qu’il avait infligé aux théories extrêmes d’internationalisme et d’antimilitarisme, bien que leur situation financière fût excellente, ils ne trouvaient plus dans les circonstances du moment l’instrument de succès que leur avait valu la campagne de 1903. Les nationaux-libéraux, déchus de leur splendeur historique, tombés de 150 élus à 47, n’avaient point de peine à lutter pour la politique coloniale qu’ils avaient toujours soutenue ; mais nul ne pensait qu’il leur suffit de lutter pour reconquérir leur force perdue. Les radicaux s’accoutumaient, avec une surprise inquiète et satisfaite à la fois, à la pensée de devenir parti de gouvernement ; mais leurs divisions pesaient sur eux, comme aussi le souci d’obtenir du chancelier des garanties positives et de sceller avec lui une réconciliation qu’ils craignaient. Les conservateurs enfin acceptaient mélancoliquement qu’ils souhaitaient sans s’exposer à une duperie la fin de leur collaboration amicale avec le Centre et se préparaient sans entrain à voisiner avec la gauche dans la majorité hétérogène que Bebel appelait le bloc hottentot. Avant même d’aller aux urnes, la difficulté de l’entreprise tentée par le prince de Bülow ne faisait doute pour personne.

Confiant dans le sens national du pays, le chancelier renonça à la réserve qu’il avait gardée en 1903, se jeta dans la bataille et donna lui-même la consigne : « Pour l’Empereur et pour l’Empire ! Contre les rouges et contre les noirs ! » Dans une lettre publique au général de Liébert[1], il développa cette double

  1. 31 décembre 1906.