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partout, mais notamment à Lyon, elles continuent leurs menées, à la faveur, — il faut l’avouer, — du désordre que jettent dans l’Etat les guerres de religion. A la paix, avec Henri IV, les défiances royales désarment, au moins vis-à-vis de la confrérie qui, rendue à son rôle d’association pieuse et charitable, ne disparaîtra qu’avec la corporation. Cependant, note M. Etienne Martin Saint-Léon, à qui nous devons la matière des observations résumées ci-dessus, « la lutte entreprise par le pouvoir royal contre les confréries n’est pas le seul fait caractéristique de l’histoire des corporations au XVIe siècle. Il est manifeste qu’à cette époque la corporation est tenue en suspicion par la royauté[1]. » On discute déjà sur l’abolition de tous corps et collèges, comme en témoigne cette phrase de Jean Bodin, — qui n’est pas pour l’abolition : — « Ils ne regardent pas que la famille et la république même ne sont autre chose que communautés[2] ; » mais ce sont théoriciens et publicistes qui travaillent de leur métier. Quant à la monarchie elle-même, quant au pouvoir royal lui-même, plutôt que d’abolir la corporation, ils méditent de faire du régime corporatif, aux prises duquel trop de villes, à leur gré, et trop de professions se soustraient encore, le type unique de l’organisation du travail dans tout le royaume. Ils peuvent avoir, à de certaines minutes, en de certaines conjonctures, des mouvemens d’humeur contre telle ou telle corporation ; mais élever la corporation au degré de régime corporatif, lier fortement ce régime au régime monarchique, l’y soumettre, faire du travail une affaire d’Etat, un droit d’Etat, un organe d’Etat, à l’occasion un revenu d’Etat, reste, à travers tant de vicissitudes, leur grand et perpétuel dessein. C’est ce dessein qu’affirment solennellement les deux ordonnances célèbres de 1581 et de 1597. Ici commence la troisième période de l’histoire des corporations sous la monarchie, et celle-là, à l’envisager d’ensemble, ce n’est pas en médire que de la qualifier de « période de fiscalité. »

Cette fiscalité s’exerce surtout de deux manières : par la délivrance de « lettres de maîtrise » et par la création d’offices que les métiers doivent racheter[3]. Elle s’accentue de siècle en

  1. Histoire des corporations, 2e édition, p. 287 et passim.
  2. Les six livres de la République, livre III, ch. VIII.
  3. Édits et ordonnances de 1581, 1597, 1673, 1691, 1694, 1696, 1702, 1704, 1706, 1708, 1709, 1711, 1723, 1735, 1743, 1745, 1767.