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tyrannie, c’est que cet esclave, ici, n’est pas un étranger que le sort de la guerre a fait tomber entre vos mains, que vous pouviez tuer, comme l’a écrit si élégamment le Hollandais Grotius… »

Plaidant pour un journal : « La liberté de la presse n’est pas seulement destinée à vous donner toutes les nouvelles, son but et son devoir sont de défendre tous les droits, envers et contre tous. Abolissez la Charte, supprimez nos codes, congédiez les Chambres ; mettez à la place Néron, don Miguel si vous voulez, qui vous voudrez, conservez-nous la liberté de la presse… » qu’attendez-vous ? Qu’il dise : « Et vous serez encore un peuple libre, » et il aurait raison ; mais, non, il faut qu’il dise : « et Néron sera un Marc-Aurèle et don Miguel sera un Louis XII. » Il exagère, le tribun, il exagère.

Quelquefois le souci de l’emphase, et rien autre, fait qu’il exprime une idée très simple en un style métaphorique qui approche du galimatias. Pour dire que l’appel à une Haute Cour ne pourrait se justifier ou s’excuser que par une série d’acquittemens scandaleux prononcés par les jurys : « Il faut une jurisprudence d’acquittement ( ? ), il faut que le jury ait manifesté par une suite de verdicts ou l’impuissance de son intelligence ou la couardise de son cœur. Alors, messieurs, vous reprenez votre juridiction souveraine et vous faites découler de la hauteur de vos sièges une jurisprudence qui lie toutes les autres Cours du royaume… »

Il faut convenir cependant qu’il est capable d’éloquence vraie, d’éloquence sobre et essentielle. Derniers mots d’une plaidoirie : « Vous comprendrez, messieurs les jurés, ces enseignemens de l’histoire. Vous êtes les représentans d’une société qui a besoin d’égalité, qui depuis longtemps lutte contre les privilèges de toutes sortes. Vous ne consacrerez point les privilèges par votre verdict, qui n’aura d’autorité, sachez-le bien, qu’autant que vous le mettrez en harmonie avec le sentiment national. Les privilèges étouffent l’égalité. Je n’ai plus rien à dire. »

Plaidant pour le prince Louis, ou, plus précisément, pour un publiciste qui avait voulu justifier le prince Louis de la tentative de Strasbourg : «… Voilà ce qu’on a voulu lui ôter. On a dit qu’il [le prince] n’était pas Français ! Je ne veux pas faire parler ici les émotions du cœur ; mais je ne puis m’empêcher de faire un triste retour sur les choses humaines. Il m’est impossible de ne pas rappeler qu’en 1815 la famille Bonaparte a été