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guerre ; celui du Commerce a pour unique mission de liquider les primes et compensations d’armement, au sujet desquelles il est rarement d’accord avec la Marine ; aux Travaux publics, on s’occupe des ports et nous n’hésitons pas à déclarer que nous avions trouvé auprès de M. Barthou un sérieux appui et que nous fondons sur M. Millerand les plus grandes espérances ; quant aux Postes et Télégraphes, on y prépare les cahiers des charges des Compagnies postales subventionnées et on veille à leur stricte exécution, mais on n’a pas à sortir de là. La marine marchande se trouve ainsi en face de quatre départemens ministériels, animés sans doute des meilleures intentions, mais confinés chacun dans son rôle spécial, dont aucun n’a le mandat ni la possibilité d’envisager de haut et dans son ensemble la grande cause qui nous intéresse. Aucun cerveau n’y songe, n’y réfléchit, ne s’y applique exclusivement avec compétence et esprit de suite, avec cet amour, cet intérêt passionné qu’inspire seule l’unique direction d’une œuvre et la responsabilité qui en résulte.

Ce système d’administration, surtout pour une industrie nationale aussi complexe et difficile, est incontestablement défectueux : il n’a de similaire chez aucun de nos concurrens étrangers.


III

Après cette digression, qui est intimement liée à notre sujet, revenons à la loi sur l’inscription maritime ; étudions-la dans sa lettre et dans son esprit, en nous plaçant au point de vue juridique.

La première question à examiner est de savoir si, invoquant le droit de grève, les inscrits peuvent se soustraire au décret de 1852, et s’ils ne tombent pas au contraire sous le coup de la loi civile et de la loi pénale.

Une première thèse, qui est la thèse socialiste, consiste à considérer le droit de grève comme d’essence tellement supérieure, qu’il soustrait ceux qui en usent à l’exécution de toutes les obligations par eux contractées. Pour les partisans de cette thèse, l’ouvrier, ou, d’une façon générale, le salarié qui se met en grève, ne rompt pas le contrat de travail qui le lie à son patron ; il en suspend simplement l’exécution avec l’intention bien arrêtée d’en reprendre le cours à des conditions meilleures