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Il a été accueilli favorablement, et nous en sommes heureux pour lui, car il se trouvera aux prises avec de très grandes difficultés. Les principales lui viendront peut-être des divisions intérieures du parti libéral, divisions qui l’ont obligé à quitter le pouvoir, il y a trois ans. D’autre part, M. Maura, dès le lendemain de sa chute, a poussé contre le parti libéral un cri de guerre strident, et on se demande dans quelle mesure il donnera au nouveau ministère le concours qu’il semblait lui promettre dans sa lettre de démission adressée au Roi. Mais M. Moret est un homme habile, expérimenté, prudent, dont l’esprit conciliant est capable d’aplanir bien des obstacles. Il faut avouer que M. Maura, quels que fussent ses mérites, avait beaucoup tendu depuis quelque temps les ressorts du gouvernement, et dans le ministère même, les esprits étaient arrivés à un point d’excitation qui n’était pas sans danger. Nous avons dit, et rien n’est plus vrai, que l’exécution de Ferrer n’avait pas produit de l’autre côté des Pyrénées la même émotion que de celui-ci ; nous avons fait remarquer que, dans la discussion des Cortès, le nom du révolutionnaire n’avait presque pas été prononcé ; tout le monde en Espagne, opposition et gouvernement, s’est raidi contre la manière indiscrète, théâtrale, tumultueuse dont l’opinion de l’étranger a paru vouloir s’imposer. Mais quand cette opinion est très générale, elle finit, en dépit même de la forme qu’elle affecte, par peser sur un pays et par y produire un événement et une irritation dont le langage de M. de la Cierva a montré l’inconvénient. Le Roi a soutenu jusqu’au bout le cabinet conservateur avec fermeté et courage ; toutefois, quand M. Maura lui a donné sa démission, il a pensé que le jour était venu de faire de la détente et de ne pas laisser les passions contraires s’exalter encore davantage. Il a eu très vraisemblablement raison. Si la détente n’est pas à elle seule un principe de gouvernement durable, elle aide à traverser des momens délicats et difficiles comme l’était devenu le moment actuel. Nous souhaitons bonne chance à M. Moret. Il ne cherchait pas immédiatement le pouvoir ; les circonstances lui ont imposé l’obligation de le prendre. Il n’a pas montré d’impatience ; quelque rapide qu’ait été sa résolution, elle n’avait pas été préméditée. Il faut espérer qu’il ramènera la paix en Catalogne, autant du moins qu’elle peut y exister, et qu’il conduira à bon terme l’expédition de Melilla. Au point de vue militaire, l’Espagne est seule juge de la manière dont elle doit conduire ses opérations. Au point de vue politique, puisque M. Allendesalazar quitte le ministère des Affaires étrangères où il laissera les souvenirs les plus sympathiques, les puissances qui étaient représentées à Algésiras ne