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grand ouvrier qui tirera Sorèze de ses ruines et lui communiquera une nouvelle vie, envoie le 20 octobre 1789 un des mémoires les plus intéressans, les plus éloquens qu’ait reçus le comité ecclésiastique. Lui aussi peint l’émotion produite par les décrets de l’Assemblée nationale, émotion qui devait être universelle dans l’ordre monastique.


Au milieu des espérances que font naître, dit-il aux Constituans, vos sublimes efforts pour opérer la régénération de l’État, au milieu de la joie qu’éprouve tout bon Français à la vue des pas que vous avez déjà faits vers ce but, il est, messeigneurs, une classe de citoyens justement frappés de consternation et de terreur ; et tandis que tout citoyen lève fièrement la tête et s’enorgueillit d’être Français, il en est un grand nombre qui sont forcés de baisser les yeux et de rougir d’exister en France : ce sont les citoyens qui, sous la garantie des lois, aux invitations de la religion, dans l’espérance de servir la patrie dans ce court passage et de s’assurer un sort heureux dans un meilleur monde, ont embrassé l’état religieux.


Ferlus n’a pas l’intention de défendre les institutions monastiques en général « longtemps sacrées, dit-il, aujourd’hui trop méprisées. » Mais il en est une qu’il connaît, et dont il peut parler avec fierté et compétence ; c’est sa congrégation. « Sachant, écrit-il, tout ce que peut mon corps, présumant tout ce qu’il veut, j’ose croire, messeigneurs, que je puis profiter de l’invitation que vous avez faite à tout citoyen de contribuer autant qu’il est en lui à ajouter quelques points à la masse de lumières dont vous aimez à vous environner. Un Bénédictin de Saint-Maur, instituteur de la jeunesse, peut avec quelque confiance faire entendre sa voix au milieu des Pères de la patrie.

Il est surtout une accusation que Ferlus tient à repousser avec une énergie particulière. Dans le cas où le plan qu’il propose serait rejeté, il fait cette adjuration aux membres de l’Assemblée nationale, qui tiennent en leurs mains le sort des congrégations et aussi, dans une large mesure, l’estime publique :


J’ose vous demander, moins comme une grâce que comme une justice, de préserver de cette tâche d’inutilité, de ne pas traiter comme inut les des religieux qui ont consacré leur vie, leurs travaux et leurs talens à servir la patrie en élevant la jeunesse. Le chef de notre école sera-t-il regardé et traité comme inutile, lui qui depuis trente ans soutient et dirige un établissement qui a servi de modèle, où se forment plus de quatre cents élèves, l’élite de la noblesse, à qui toutes les nations voisines ont constamment