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pas les confondre entre elles. Il serait de toute injustice de traiter avec un égal mépris tous les individus qu’employait le gouvernement. On ne peut assimiler ceux qui ne s’inspiraient que de leur dévouement aux Bourbons, de leur reconnaissance pour des faveurs qui leur avaient été accordées ou de l’espoir d’en obtenir de nouvelles et qui, dans leur correspondance, n’étaient que l’écho de propos recueillis çà et là, à ceux qui, par ruse, pénétraient chez les particuliers ou dans les ambassades, achetaient les domestiques et les bas employés, crochetaient les serrures et, sauf le coup de poignard, se conduisaient en tout et pour tout comme de parfaits brigands. Ceux-ci sont une écume sociale, un rebut. Leur nom ne nous est pas parvenu et ce n’est pas leur faire injure que de les supposer coupables des pires actions, moyennant paiement. De tous temps et dans tous les pays, les gouvernemens ont été contraints d’utiliser des gens de cette sorte.

D’autres sont d’un ordre plus relevé. Le fait qu’ils reçoivent un salaire pour les services qu’ils rendent, les circonstances qui les ont décidés à les offrir, leur passé, ne permettent pas de croire à leur désintéressement. Néanmoins, s’ils trahissent des confidences, il n’apparaît nulle part que leur trahison ait jamais eu des résultats fâcheux pour ceux dont ils ont dénoncé verbalement ou par écrit les propos à la police. Souvent même, leurs dénonciations sont accompagnées de commentaires bienveillans qui en corrigent les effets. Souvent aussi, ils sont d’utiles intermédiaires entre le gouvernement et les gens qu’ils espionnent.

On en peut citer d’autres qui ne sont pas payés et qui agissent uniquement par gratitude. Voici le propriétaire d’un grand journal anglais, qui est en même temps membre de la Chambre des communes, des lettres duquel la police fait le plus grand cas. Il est venu à Paris, recommandé au gouvernement par l’ambassadeur de France à Londres, afin de solliciter pour son journal des communications et des faveurs d’ordre purement professionnel. En retour, il offre d’y défendre les intérêts français. On lui accorde ce qu’il désire, à la condition qu’indépendamment des insertions auxquelles il s’engage, il enverra au ministre de la Police des notes confidentielles sur les hommes et les choses qu’il aura été à même d’observer. Le rôle, encore qu’il n’ait rien de glorieux, ne saurait cependant être comparé à celui des vils espions auxquels j’ai fait allusion plus haut. Quant à la police politique, elle était dans le sien en s’assurant le concours