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traditionnel aussi, qui toujours précède la crise finale. Chiquito s’est éloigné. Les religieuses qui veillent l’agonisante, la veillent fort mal : ce sont des religieuses de théâtre. Tandis qu’en lui tournant le dos, elles s’absorbent dans leurs oraisons, la moribonde a rendu le dernier soupir. Une de leurs compagnes, revenant du jardin, la voit sans mouvement et les appelle : « Mes sœurs, il faut prier pour la pauvre Pantchika, » et les fleurs destinées à l’autel tombent, doucement, sur la funèbre couche.

Je ne saurais trouver grand’chose à dire ni pour ni contre la musique de M. Jean Nouguès. Ennuyeuse, elle ne l’est pas ; laide, ou mal faite, pas même. Elle aurait plutôt le caractère, moyen, de l’insignifiance et de l’inutilité. Généralement banale et tout extérieure, elle effleure le sujet, la situation, le personnage, et ne fait jamais que les effleurer. L’apparence lui suffit, la première venue, et la plus légère. Violente, ne fut-ce qu’énergique, est-elle capable de l’être ? En tout cas, elle n’en trouve pas ici l’occasion, des scènes comme l’arrestation, au troisième acte, étant de celles qui non seulement prêtent le moins à la musique, mais lui répugnent le plus. Ailleurs, dans les passages de lyrisme pur, ceux qu’elle a, pour le coup, pouvoir et mission de faire siens, je reconnais volontiers que la musique de Chiquito ne contredit nulle part au sentiment et à la vérité. Je regrette aussi que nulle part elle n’y pénètre et n’y ajoute.

Encore une fois, elle s’arrête, cette musique, à la surface de la vie et des choses. Au lieu du sens intime, elle se contente d’exprimer les dehors et les alentours, par des moyens trop faciles, par des signes sans importance comme sans originalité. Mme Carré (Pantchika) n’a qu’à paraître au premier acte, sous le soleil de mai, les bras chargés de fleurs, pour que la plus sentimentale, la plus faussement « poétique » effusion de violoncelles et de violons ensuite, lui fasse un déplorable cortège. Les duos d’amour mêmes ne s’élèvent guère au-dessus du style de la romance dialoguée ou du couplet à deux voix. Un entr’acte (simple mélodie ou mélopée de violoncelle encore) a paru d’un sentiment plus sincère et plus profond. Certain morceau d’opérette, et, comme tel, assez réussi, détonne au milieu du sombre troisième acte, dont on avait espéré sans doute qu’il éclaircirait la noirceur. Dans la blancheur, au contraire, des scènes finales, un thème basque, d’une suavité triste, et dont M. Pierné, musicien de Ramuntcho, tira si bon parti l’an passé, ne s’accorde pas mal avec l’atmosphère où il flotte et se répand.

Le meilleur tableau des quatre pourrait bien être le second. De