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LA QUESTION ALBANAISE

Après un an, les conséquences pernicieuses de l’annexion de la Bosnie et de l’Herzégovine ne sont pas épuisées. La crise aiguë s’est dénouée, mais elle a laissé derrière elle des amours-propres blessés, des intérêts lésés, des ambitions déçues. On discute encore — tout récemment dans la Fortnightly Review — sur les circonstances et les responsabilités, et le débat fait recette dans la presse européenne. Nicolas II et M. Isvolski, allant d’Odessa à Racconigi, font un immense détour par l’Allemagne et la France, pour éviter le territoire austro-hongrois ; ils fraternisent avec le roi Victor-Emmanuel et M. Tittoni ; M. Nathan, maire de Rome, naguère grand maître de la franc-maçonnerie, est appelé à présenter ses devoirs au tsar de toutes les Russies. Ainsi se manifeste la persistance des ressentimens issus de l’annexion de la Bosnie. Entre l’Autriche et la Russie, la mésintelligence, née des événemens de l’année dernière, a remplacé l’entente qui a si longtemps assuré la tranquillité des Balkans et de l’Europe ; tant qu’elle durera, il y aura péril pour la paix.

Alliées, mais non pas amies, l’Autriche et l’Italie s’irritent en face l’une de l’autre et arment sur terre et sur mer. Entre elles, le champ de bataille militaire serait dans le Trentin et dans le Frioul, mais le champ de bataille diplomatique et économique est dans l’Empire ottoman, en Albanie. Le véritable objet de leur antagonisme est moins l’irrédentisme, que la