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établissemens dépendant des municipalités, tels que les hôpitaux. Les Sœurs de Saint-Charles préférèrent abandonner leur costume que leurs malades. Les Sœurs de Charité elles-mêmes, malgré leur attachement à la cornette, viendront à composition. Nous le constatons à Agen, Montpellier, Amiens et de divers côtés. Au demeurant, leur transformation n’est pas scandaleuse. On nous les montre dans les hospices conservant « avec une coiffe d’artisane, une guimpe noire et un tablier blanc sur leur robe noire. » Les Augustines de l’Hôtel-Dieu de Doullens ne voulurent faire aucune concession. En novembre 1793, elles portaient encore leur habit et refusaient absolument de le quitter, ce qui les fit jeter en prison par la Commission révolutionnaire.

Fait plus grave que les tracasseries sur le vêtement, les municipalités, les districts, se montrent plus exigeans que la Constituante pour le serment à la Constitution civile du clergé, et, sans qu’aucun article de loi les y autorise encore, s’avisent, en diverses provinces, de vouloir le faire prêter par les religieuses. Ce serment, qui devait couper en deux l’Église de France, troublera profondément les couvens. Les sœurs, que le texte de la loi ne pouvait atteindre, furent de divers côtés invitées à le prêter par des pouvoirs locaux malveillans, auxquels leur fonction d’éducatrices et d’hospitalières fournissait un prétexte de les traiter comme des fonctionnaires publics. Leur refus fut spontané et à peu près universel. Nous trouvons çà et là quelques exceptions que leur singularité même fait remarquer et raconter par les Mémoires du temps. Une religieuse du prieuré de Prouillan, près de Condom, a mérité le surnom de missionnaire de la Constitution par l’ardeur avec laquelle elle y adhère et la défend. Dans le diocèse de Perpignan, Sœur Marie d’Astros avait déclaré au commissaire « qu’elle ne voulait point obéira la Constitution. » Le lendemain, cédant à d’autres influences, elle écrivit au département que sa déclaration était l’effet « d’un premier mouvement, » que depuis « le calme de son esprit avait amené la réflexion, que la Constitution ne contenait rien contre sa conscience et contre la religion catholique, apostolique et romaine, dans laquelle elle voulait vivre et mourir… La voix du civisme, disait-elle, s’est fait entendre à mon cœur, elle a désapprouvé une conduite si contraire à mes sentimens. » Toutes ses compagnes furent d’un autre avis et refusèrent le serment.