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Les meneurs durent se consoler, par la chaleur de ces adhésions, de leur rareté même. Non seulement les religieuses ne veulent pas jurer, mais elles refusent tout contact avec les jureurs et le clergé constitutionnel. Comment pourtant se passer de prêtres ? Il leur en faut pour les offices, la messe, les confessions. Leurs évêques, leurs curés officiels sont maintenant, de par la loi, des constitutionnels. De quel œil ces ministres, auxquels on ferme les portes des cloîtres et des consciences, dont on paraît se garer comme de pestiférés, doivent-ils voir cette abstention, cet ostracisme, qui leur envoie en plein visage l’injure du dédain et du manque de confiance ! Quel levain de dépit, et peu à peu de vengeance, a dû fermenter dans le cœur d’hommes ainsi éconduits !

L’attitude des foules catholiques qui, chassées par leurs convictions des églises tenues par les prêtres constitutionnels, se portent dans les chapelles des couvens où se sont réfugiés les prêtres réfractaires, va achever d’envenimer la situation et exciter encore les passions contre les couvens eux-mêmes. De tous côtés on les accuse d’être devenus des foyers de fanatisme. Le langage à l’égard des religieuses, jusqu’ici tempéré par un ton de modération, de sympathie, prend une allure plus vive, où les expressions dictées par la colère, parfois l’injure, ont remplacé le respect. Un défenseur de la Constitution dénonce « ce qui se passe dans l’enceinte des monastères qui subsistent encore… Entendez, dit-il, les éclats scandaleux qui retentissent au milieu de ces cloîtres dont le fer défend l’entrée au reste des humains, parmi un sexe que la nature forma pour la douceur. Ces colombes, qui n’auraient dû que gémir sur les maux que l’aveuglement dans les uns, l’opiniâtreté dans les autres, suscitent dans l’Eglise de Jésus-Christ, comment se sont-elles changées en furies ?… Le silence de leurs retraites est interrompu par le bruit des factions… On y épouse des partis… On s’y jette par caprice dans des querelles de dogme ou de discipline sans avoir un fil pour se diriger dans ce labyrinthe. »

Nous connaissons maintenant l’attitude de la Constituante à l’égard des ordres religieux. Au moment où elle fait place à la Législative, la destruction est très avancée. Les vœux solennels sont supprimés. Tous les couvens avec leur mobilier ont été mis sous séquestre. Tous leurs biens sont confisqués. Les religieux en minorité qui ont déclaré vouloir continuer la vie