Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les « libertins » qui sont antiféministes et les esprits religieux qui sont relativement féministes et quelquefois même assez radicalement. Il ne faut pas dire à ce propos que « les positions par rapport à celles d’aujourd’hui sont renversées, » puisque, Dieu merci, nous avons un féminisme chrétien, et que M. Etienne Lamy a écrit un beau livre sur « la femme de demain ; » mais enfin le fond de la pensée est vraie : au XVIIe siècle les esprits « philosophiques » sont antiféministes comme le sera plus tard Rousseau dans Sophie, et les esprits religieux sont généralement à tendances féministes. C’est l’abbé Claude Fleury qui écrit, pour les femmes surtout, son très libéral Traité du choix et de la méthode des études ; c’est Fénelon, si en avance sur son temps par son Traité sur l’éducation des filles, que Rousseau voudra réfuter ; c’est Poulain de la Barre, qui, dans son traité sur l’Egalité des sexes, démontre, en effet, cette égalité tant au physique qu’au moral.

Quant à Bussy, il a sur ce sujet les idées laïques de son temps. Il tient la femme pour un être inférieur et qui doit rester étroitement subordonné et il ne va pas plus loin. Quant au mariage, il croit, à la manière du XVIIIe siècle plutôt (ou plutôt encore) que du XVIIe, qu’il est une simple affaire de convenance et surtout de convenance financière et qu’il n’engage à rien, surtout le mari. — Il n’y a pas lieu de s’arrêter très longtemps à Bussy considéré comme moraliste.

Considéré comme critique littéraire, il est plus intéressant. Il a des jugemens sur les auteurs du temps qui ne sont aucunement profonds ; mais qui sont souvent judicieux et, pour parler comme alors, sinon dans le grand goût, du moins dans le bon goût. Sur Boileau, il porte un jugement banal, mais juste : « Despréaux est merveilleux ; personne n’écrit avec plus de pureté. Ses pensées sont fortes et, ce qui m’en plaît, toujours vraies. Il a attaqué les vices à face ouverte ; et Molière plus finement que lui. Mais tous deux ont passé tous les Français et tout ce qui a écrit en leur genre. »

Sur Molière : « Ses ouvrages, je les trouve incomparables ; ce n’est pas que, si on les avait bien examinés, on n’y pût trouver quelque chose à retrancher ; mais il y en a très peu. Il a copié Térence et même l’a surpassé, et je ne l’estime pas moins pour avoir été assez souvent un peu plus loin que la nature. Le but de la Comédie doit être de plaire et de faire rire. Qui ne