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« — La Prusse ne veut plus se mêler des affaires de la France ; mais il est présumable que des événemens pourront avoir lieu à la mort du Roi.

« — Allons, allons, dit Mme Brayer ; vous allez encore nous parler de votre prince d’Orange ; les Français ne veulent point d’étrangers ; nous n’en voulons pas plus que du Duc d’Orléans ; il nous faut le petit Roi de Rome ; c’est lui qui ralliera tous les partis.

« Le prince sourit, biaisa, répondit en diplomate et se retira. »

L’observateur constate encore que, parfaitement accueillis à Bruxelles et à Liège, les réfugiés y sont aimés et recherchés. On s’intéresse assez à eux pour les tenir au courant des mesures qui pourraient menacer leur sécurité. On assiste les moins fortunés ; on envoie même des offrandes à la caisse de secours qui s’est créée sous la direction du général Merlin pour leur venir en aide et qui leur assure une mensualité suffisante à leurs besoins. On raconte que cette caisse a reçu du Duc d’Orléans deux cents louis. Cambacérès sollicité a souscrit pour trente francs par mois. La modicité de sa souscription a indigné tout le monde et fait dire que « cet archigastronome fait tous les mois le sacrifice d’une dinde aux truffes pour secourir ses compatriotes. » Des officiers français, au nombre d’une trentaine, venus à Anvers où ils devaient s’embarquer pour Baltimore, n’ayant pu payer leur passage, de riches Anversois l’ont payé pour eux et quand la caisse de secours, avertie de leur intervention, a voulu les rembourser, ils ont refusé l’argent. « La correspondance entre Liège et Bruxelles est journalière, continue le rapport, soit par lettre, soit par les personnes qui vont et viennent. » Les réfugiés eux-mêmes, notamment Teste et le général Fressinet, se déplacent à chaque instant.

Les relations avec Paris ne sont pas moins actives. On y emploie, outre des émissaires de confiance, les conducteurs de voitures publiques et les maîtres de poste. Les lettres de Paris arrivent rapidement par cette voie, qu’utilisent encore les réfugiés pour se faire adresser « leurs habillemens et leurs chaussures. » Ceux de leurs amis qui résident dans la capitale, leur écrivent fréquemment. Au lendemain de la première représentation de Germanicus, la tragédie d’Arnault, ils sont avertis des incidens tumultueux auxquels elle a donné lieu et qui ont transformé en un champ de bataille la salle du Théâtre-Français. Ils