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où la psychologie positive n’était pas née, et elle apparaît aujourd’hui en désaccord flagrant avec la psychologie même du témoignage, qui nous montre la distance qui existe toujours entre la vérité et les dépositions des témoins les plus sincères et les plus honnêtes. Le droit pénal romain était d’ailleurs moins exigeant, puisqu’il demandait au témoin non pas s’il savait, mais s’il pensait avoir vu telle ou telle chose (non scire, sed arbitrari).

Le serment, incapable de conférer la capacité de dire la vérité, m’apparaît donc comme une formalité inutile, vestige des anciennes jurisprudences, et dont la suppression ne diminuerait en rien la nature générale des témoignages.

A plus forte raison doit-on souhaiter la prochaine suppression de la plus vaine et de la plus vexatoire des formalités imposées par la loi aux experts, celle du serment préalable, qui d’ailleurs, dans la pratique médico-légale courante, tend de plus en plus à tomber en désuétude.

À cette question du serment se rattache celle de l’assurance des témoins. L’observation clinique et l’expérimentation montrent que la conviction avec laquelle dépose le témoin n’est nullement proportionnelle à l’exactitude des faits affirmés. L’assurance du témoin dépend beaucoup plus de la nature suggestible de son esprit et des tendances affirmatives de son caractère que de la vérité objective des dépositions certifiées. Les enfans, les débiles, les hystériques, de nombreux aliénés, apportent une conviction inébranlable, une énergie de sentiment bien faites pour exercer sur les juges et les jurés l’action suggestive la plus entraînante et la plus décisive, dans des dépositions radicalement fausses, issues des troubles pathologiques de leur perception, de leur mémoire, de leur imagination et de leur jugement.

Le magistrat, désireux de s’inspirer, dans la pratique, des enseignemens de la psychologie clinique et expérimentale, devra, autant que possible, se méfier de sa propre intervention vis-à-vis du témoin, que peut influencer son interrogatoire, et éviter toute suggestion sur lui par son attitude, son accent et la nature de ses questions. Il essaiera d’apprécier la valeur subjective du témoin, et attachera autant d’importance à la psychologie du déposant qu’au contenu de la déposition.

Chaque témoignage revêt, dans sa forme même, la valeur d’un fait psychologique qui mérite d’être étudié en soi,