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Pendant que notre personnel s’apprêtait ainsi à la défense, y compris plusieurs de ceux qui étaient venus loger aux Archives depuis les événemens, je me rendis au poste de nos gardes nationaux et là, en présence de leur commandant, M. A. Jolly, je leur donnai lecture du papier que m’avait remis le citoyen Debock. Je leur dis que je comptais sur leur concours, pour empêcher ces tentatives criminelles, qui mettraient certainement en péril leurs propres demeures, puisqu’ils étaient gens du voisinage. Leur attitude me convainquit que je pouvais compter sur eux. Cependant la canonnade continuait, et déjà nous étions obligés de nous garer, pour n’en point recevoir des éclaboussures.

Je n’étais pas plutôt remonté dans mon appartement, qu’un de mes garçons vint me dire que le citoyen Alavoine, celui qui avait accompagné Debock, réclamait pour lui un second reçu de l’ordre du Comité de Salut public, apporté trois quarts d’heure auparavant. C’était un ancien typographe de l’Imprimerie nationale, que Debock s’était adjoint en entrant en fonctions. Compositeur à l’imprimerie Paul Dupont, Debock ignorait naturellement l’organisation et les détails du vaste établissement, où il s’était installé au nom de la Commune. Tous les chefs et sous-chefs de service de l’Imprimerie nationale n’avaient pas tardé à suivre le directeur, M. Hauréau, et s’étaient rendus à Versailles. Le citoyen Debock, dans son embarras, s’était adressé à l’un de ses coreligionnaires politiques, un peu au fait du service. Alavoine avait été comme élevé à l’Imprimerie nationale, où son père était depuis longtemps compositeur. Il faisait partie du Comité central de la garde nationale et avait été un des organisateurs de l’insurrection.

On comprend que le citoyen Debock eût trouvé en lui un précieux lieutenant. Mais, malgré leur exaltation, qui puisait sa source dans l’ambition, Debock et son adjoint avaient assez de bon sens pour apercevoir l’odieux des incendies ordonnés par les plus violens de leur parti et, comprenant que la cause de la Commune était perdue, ils voulaient se mettre à couvert et se faire un mérite du service très réel qu’ils rendaient en s’opposant à l’incendie. Ce second reçu, que je délivrai sans plus de difficulté que le premier, me fit deviner le vrai motif qui les avait amenés aux Archives. Plus tard, en regardant de près le prétendu ordre du Comité de Salut public, laissé entre mes mains, je