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on avait construit une barricade devant les Archives, à l’angle de la rue Rambuteau et de la rue du Chaume, qui longe nos dépôts. Elle avait du canon. La prise de cette barricade nous a rendus à la liberté et à la France. J’ouvris avec enthousiasme mes portes à un bataillon du 94e ; j’offris à boire et à manger aux braves militaires, qui nous avaient apporté le salut et qui firent des Archives une place d’armes, pour attaquer les barricades voisines. L’Imprimerie nationale avait été occupée une demi-heure avant nous. Depuis lors, nous sommes devenus un quartier général, notre vaste cour est un camp. En ce moment, — il est 8 heures du matin — la fusillade et la mitraillade durent, avec une effroyable intensité, depuis hier à 3 heures, sans discontinuer. J’écris au bruit de ces affreuses détonations, que l’on entend comme si elles se produisaient à 200 mètres. Les soldats de la compagnie qui occupe notre cour m’assurent que l’action a lieu au boulevard Richard-Lenoir et au canal Saint-Martin, où les Fédérés sont acculés et tentent une lutte suprême. Nous avons reçu ici force balles et obus. Une de mes chambres a été traversée par un éclat d’obus, qui a brisé une porte et pénétré dans le corridor, pour aller s’enfoncer dans une armoire. Nous avons reçu une balle dans la salle à manger, un autre obus a écorné une marche de l’escalier. On court à nos dépôts : les obus n’y ont, heureusement, occasionné que de faibles dégâts. Mon jardin et la terrasse ont reçu beaucoup de projectiles.

Quel désastre ! Quel carnage ! On a fusillé une masse de fédérés ; les incendies, allumés par ordre de la Commune, avaient exaspéré la troupe et la population tranquille. Personne ici n’a été blessé.


Paris, 28 juin 1871. — Les idées propagées par la Commune et qui couvaient depuis longtemps dans la classe ouvrière y subsistent toujours. L’Internationale épie l’occasion de tenter un nouveau mouvement, et la répression terrible infligée aux fédérés a laissé de profonds désirs de vengeance. On peut dire que les prolétaires sont plutôt vaincus qu’écrasés ; ils sont encore frémissans. On s’en aperçoit bien dans le mouvement électoral, qui a lieu en ce moment.

J’ai cru devoir m’en mêler, par patriotisme, car il est important de s’unir, sans distinction de nuance, contre le socia-