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bord. Les orléanistes sont plus sur la réserve. Quant aux bonapartistes, on exagère beaucoup leurs menées. Mme C***, d’accord avec le colonel Stoffel, affirme que l’Empereur ne veut pas qu’on agisse pour sa dynastie et engage ses partisans à se tenir dans l’expectative ; il a pris son parti philosophiquement, il n’en est peut-être pas de même de l’Impératrice.


Paris, 5 juillet 1871. — Avant hier, les troupes ont quitté les Archives et j’ai été libéré des logemens militaires. Les élections de Paris sont un peu meilleures que je ne l’avais supposé. Malgré les efforts du Comité électoral du IIIe arrondissement, nous n’avons pas pu arriver à une fusion des divers groupes du parti de l’ordre. Même après cette terrible leçon de la Commune, le nombre de suffrages obtenus par ceux qui ont favorisé les fédérés est encore considérable. Le danger demeure très sérieux. Les exagérations réactionnaires des légitimistes ont rejeté du côté des rouges des hommes qu’on aurait pu en détacher. Les élections des départemens sont, ou en faveur du parti Thiers, ou tout à fait radicales, ce qui prouve que le parti légitimiste a perdu du terrain. L’orléanisme même semble en ce moment moins fort qu’il y a deux mois. L’Internationale continue à conspirer et les ouvriers, que les incendies n’ont pas indignés, se flattent de prendre leur revanche. Ils sont tout fiers d’avoir tenu en échec l’armée de Versailles pendant six semaines.

Ce qui est étonnant, c’est que la Commune, qui a envoyé presque partout des délégués, ne m’en ait pas expédié. Et pourtant, j’avais maintenu le drapeau tricolore à notre grande porte. Plusieurs fois, on a demandé à notre courageux portier si j’étais à Paris et on m’a même envoyé, sous prétexte de consulter des documens aux Archives, un individu qui, d’après la nature des questions, nous a paru être un espion. M’étant rendu en secret le 8 avril, à Versailles, je parvins à obtenir de la Caisse centrale des Finances un virement et un mandat sur le receveur principal des Contributions directes à Paris, qui avait hâte de se débarrasser de ses écus, pour n’être pas pillé par la Commune. Cela me permit de payer mon monde, en lui recommandant le secret. Je fis venir les sacs d’écus dans des cartons, comme si c’étaient des pièces d’archives ; car il fallait être sur ses gardes, la Commune ayant donné l’ordre d’arrêter ceux qui se mettaient en