Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/570

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chairman essaye de prendre la parole, le vacarme commence. Vainement d’une voix très forte essaye-t-il de dominer le bruit. Vainement, à ma grande surprise, dit-il qu’il y a sur la plateforme un étranger de distinction qui est venu pour assister aux élections anglaises, et dont l’idéal sera singulièrement déçu s’il voit qu’on n’accorde pas fair play au candidat. Cet argument ne paraît produire aucun effet, et le vacarme continue. Cependant il vient à bout de dire que le duc de Norfolk est venu, non comme duc de Norfolk, mais pour défendre ce qu’il croit l’intérêt du pays, puis il s’assied au milieu des clameurs, et le duc de Norfolk se lève. Ses partisans l’acclament de nouveau avec furie ; les autres, qui généralement sont massés au fond de la salle, protestent avec furie également. Faisant de ses deux mains un porte-voix, il s’écrie à plusieurs reprises d’une voix très forte : Ladies and gentlemen !… il ne peut aller plus loin et reste plus de cinq minutes sans même essayer de prendre la parole. A la fin cependant, un peu de silence se fait, mais le discours, qu’il prononce, est interrompu à chaque mot, et ses partisans, en l’applaudissant outre mesure, l’empêchent de parler assurément autant que ses adversaires, en assez petit nombre du reste, à ce qu’il m’a semblé, en l’interrompant. A certain moment, comme il a prononcé le nom de M. Lloyd George et que ce nom est acclamé par une partie de l’auditoire : « Vous n’applaudissez pas assez fort, dit-il en riant. Je vous propose three cheers for Lloyd George. » Autant que je puis comprendre, au milieu de ce tapage infernal, il défend la Chambre des Lords qui a eu l’ « extrême audace » de rejeter un budget et il démontre qu’elle était dans son droit. Mais un peu découragé, je crois, par le vacarme qui va croissant, il finit par s’asseoir, n’ayant pas dit, j’en suis persuadé, la moitié de ce qu’il comptait dire.

Quant au candidat qui a pris, ou plutôt essayé de prendre la parole après lui, il n’a pas pu prononcer deux phrases de suite. Sa voix était couverte tau tôt par des applaudissemens, tantôt par des sifflets, tantôt par des chants ; à plusieurs reprises, j’ai entendu le son d’une flûte. Mais comme il tenait, en bon candidat, à ce que son discours fût reproduit dans les journaux, il a pris son parti d’en lire certains fragmens à l’adresse des reporters groupés au pied de la plate-forme. J’allais oublier de dire que plusieurs appareils photographiques étaient braqués