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Ses adversaires politiques eux-mêmes conviennent qu’il a très bien réussi dans son département et regretteraient de ne pas le voir rentrer à la Chambre. Il n’est pas sûr qu’il y revienne.

Faute de meetings radicaux et socialistes, je me suis rabattu sur un meeting unioniste qui doit se tenir dans le quartier bourgeois d’Holbum. C’est quelque chose comme notre quartier de la Bourse. On m’a prévenu que l’entrée du meeting étant libre, il fallait arriver de bonne heure, avant huit heures. Ainsi fais-je, et même, par une petite porte dérobée que m’indique obligeamment un policeman, je trouve moyen de m’introduire dans la salle avant le public. La réunion se tient dans une salle d’école dont les murs sont garnis de tableaux instructifs, comme dans les nôtres. Cependant quelques affiches électorales sont suspendues aux murs. Une de ces affiches, déformant tant soit peu le mot célèbre de Nelson, dit : England hopes every foreigner shall pay his duty, calembour intraduisible, le mot duty voulant dire à la fois devoir et impôt. A huit heures à peine passées, le candidat fait son entrée, accueilli par de chaleureux applaudissemens. Je remarque avec étonnement qu’il porte un gros paquet sous le bras. Je saurai pourquoi tout à l’heure. C’est un M. Remnant, Unioniste, qui occupe le siège depuis longtemps. Aussi, la grande majorité de la réunion lui est-elle favorable. Après quelques mots du chairman qui défend le duc de Bedford, fort aimé et respecté, dit-il, à Holborn, contre une accusation injuste, le candidat prend la parole. Il parle sans éloquence, mais avec clarté et vigueur. Son discours roule sur quatre points : la Chambre des Lords, la marine, le Home rule, le Tariff Reform. On peut imaginer ce qu’il dit. Aussi ne retiendrai-je de ce discours que deux incidens. Il y a au fond de la salle un petit groupe d’adversaires. L’un d’eux interrompt fréquemment. Le candidat s’impatiente et dit que, si l’interrupteur n’est pas content, il n’a qu’à prendre la porte ; si d’autres ne s’en chargent pas, il la lui fera prendre lui-même. L’interrupteur continuant, M. Remnant descend délibérément de la plate-forme et d’un pas ferme se dirige vers le fond de la salle. Le chairman, dont il me semble que ce serait le devoir d’intervenir, demeure impassible. Toute la salle est debout. On monte sur les chaises et je m’attends à assister à une scène de boxe entre le candidat et un de ses électeurs. Mais je ne vois pas bien ce qui se passe. Au bout, de quelques minutes, j’entends des rires, des applaudissemens, et le