Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/619

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une « première étape » « sur les chemins de la croyance » et de la vie chrétienne. La première conversion de Pascal l’a dégagé des pieuses et machinales et tièdes routines où s’attardait la religion de son enfance ; elle lui a fait nettement sentir qu’il n’avait guère, jusqu’alors, fait que le geste de la foi. Trop rapide peut-être pour être bien profonde, incomplète et un peu livresque, elle a du moins laissé dans son âme des germes qui fructifieront dans la suite, et comme un goût, un désir, et une nostalgie du divin que rien d’humain ne pourra remplir et contenter.


III

Mais, comme si l’homme pouvait suffire à l’homme, c’est d’abord à la vie mondaine que Pascal va demander les satisfactions qu’elle dispense à ceux qui s’en laissent séduire. Quand, en 1647 ou 1648, il s’était « mis dans le monde, » pour suivre les conseils des médecins, ses premiers scrupules une fois vaincus, il avait goûté vivement le charme subtil de ces conversations entre « honnêtes gens » qui n’étaient pas pour lui une nouveauté, mais qu’il n’avait encore jamais recherchées avec beaucoup d’empressement. La vie sociale, qui a toujours eu en France une grâce toute particulière, a rarement été plus séduisante qu’elle ne le fut chez nous sous Louis XIII et dans la première moitié du règne de Louis XIV : à l’agrément spirituel qui est resté son apanage traditionnel et son éternelle parure, elle joignait alors une solidité, une profondeur qui étaient bien faites pour attirer et retenir des esprits sérieux et pénétrans. Elle leur faisait goûter la « douceur de vivre, » dont Talleyrand devait parler un jour, sous ses formes à la fois les plus piquantes et les plus hautes. Comment Pascal, tel que nous le connaissons, eût-il résisté au charme de séduction qui se dégage encore pour nous de cette fleur unique de civilisation et de culture ? Il ne faisait jamais rien à demi, et toujours, quoi qu’il entreprît, il allait jusqu’au bout de son élan et de son effort. « Cet esprit si vif et si agissant ne pouvait pas demeurer oisif, » nous dit de lui Marguerite Perier ; et, de fait, l’ardeur de sa sensibilité était telle qu’il se mettait toujours tout entier dans chacune de ses occupations. Forcé de voir le monde, il voulut en éprouver, en épuiser toutes les jouissances. Peu d’influences contraires auraient pu d’ailleurs le retenir sur cette pente. La nature, qu’il avait si violemment comprimée