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ensuite à l’indépendance ; parce que pas une d’entre elles ne renonce à s’enrichir par le sol ou par les eaux ou par quelque adaptation scientifique que ce soit des ressources qu’on lui découvre, parce qu’enfin, dans ces conditions, il est d’expérience qu’elles repoussent l’une après l’autre le triste cadeau d’une main-d’œuvre pénale. Elles savent parfaitement qu’avec des travailleurs libres équitablement payés, une colonie s’enrichit, et qu’avec un travail soi-disant gratuit elle se ruine. Force est donc d’en revenir bon gré mal gré à la peine qui, en supprimant la liberté, supprime la plupart des plaisirs que l’homme lui demande et en attend. Les mots « pénitencier, » système « pénitentiaire, » vie pénitentiaire, restent toujours représentatifs de la punition par excellence ; aussi est-ce l’intérêt et en même temps le devoir de chaque génération de reprendre ce problème et d’en réviser la solution. Qu’on ne nous oppose pas une sorte de question préalable en disant que toute prison inflige une peine d’une uniformité brutale et qu’elle ne peut pas faire autre chose. C’est précisément ce qu’il y a lieu d’examiner.


Divisons la difficulté, et commençons par les mineurs délinquans ; Je dis « délinquans, » ce qui exclut les enfans trop jeunes pour avoir vraiment su ce qu’ils faisaient et pour avoir pu y réfléchir suffisamment. Mais enfin nous ne savons que trop combien il y a aujourd’hui d’adolescens vraiment criminels. Qu’on modifie comme on voudra la qualification des actes à leur reprocher et la dénomination du tribunal destiné à les juger, il faudra prendre des mesures contre eux. Elles ne devront être ni correctionnelles, ni pénitentiaires ? N’abusons pas des mots, mais sachons ce qu’on a le droit de leur faire dire. Pourquoi tant redouter ces deux-là ? Nous avons mal répondu sans doute à l’appel qu’ils nous adressent. Alors essayons d’y mieux répondre. Mais pourquoi tant redouter de corriger, si on a le bon esprit d’approprier la correction à la nature qui la postule ? On corrige le cours d’une rivière ou d’un torrent, on corrige la poussée d’un arbre, on se corrige soi-même. Enfin le mot de pénitence et ses dérivés n’impliquent-ils pas l’idée très morale d’un repentir qu’il s’agit au moins de ne pas décourager, car il est nécessaire au bien de tous ; Qu’on n’ait donc pas cette crainte ridicule d’appliquer à une nature encore jeune- une méthode… nous