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trop ! mieux vaudrait deux établissemens). Sur ces 557, on compte 161 condamnés à perpétuité, dont les trois quarts sont des assassins ou des meurtriers qui ont accompagné leur acte sanglant de viols ou de cambriolages. Or pour ceux-ci, comme pour les condamnés à quinze ou à vingt ans, les libérations conditionnelles sont très rares et soumises à des conditions très rigoureuses. L’espoir de les obtenir ne peut guère troubler par des visions trop rapprochées la nécessaire et bientôt inévitable résignation du détenu.

Si l’on a obtenu ce résultat, c’est qu’on a fait ce qu’on devait faire. Trois aumôniers font partie du personnel, et ils n’ont pas d’autre ministère. Le règlement royal leur prescrit de passer dans l’établissement cinq heures par jour, et la force des choses les amène à être encore plus des confidens que des prédicateurs ; ils trouvent sans doute que, là, les causeries valent mieux que les sermons ; les détenus sont de leur avis. Le médecin n’est pas seulement astreint à venir à l’infirmerie et à consulter les malades ou ceux qui se disent tels ; il doit faire des visites « d’hygiène et de moralité. » Les membres de la Commission de surveillance et de patronage sont des hommes d’une sérieuse valeur sociale et qui font très régulièrement leurs visites. Je n’ai pas besoin de parler des rapports avec le chef du travail qui, tantôt vient donner, puis surveiller, puis recevoir les tâches dans les cellules, tantôt emmène les détenus l’un après l’autre, mais toujours seuls avec lui, soit dans le jardin potager, soit dans les couloirs où il faut décharger matériaux et marchandises, soit dans un atelier muni d’engins plus volumineux. Au-dessus de tout est le personnel dirigeant et surveillant. On comprend sans peine à quel point il peut, sans aucun scrupule, différer de ce qu’il serait devant les longues files de condamnés réunis dans une même salle et l’esprit toujours porté vers la violation du règlement. Bref, c’est bien l’exécution du programme tracé jadis : le condamné aussi séparé que possible de ses pareils, aussi rapproché que possible de la société proprement dite et entretenant avec elle des rapports meilleurs.

Oh ! à coup sûr, ces adoucissemens n’empêchent pas réprouve d’être sévère. C’est la prison, ce mot dit bien des choses, et il est évident que nul homme ne se sent fait pour la prison, surtout quand il la mérite. Il n’en est que plus intéressant de suivre la psychologie de ces gens, telle qu’elle ressort de leur conduite,