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européenne nés de la faillite mexicaine. L’annexion de la Belgique, principe d’une guerre anglo-française, flotte dans le programme incertain du rêveur déçu des Tuileries. L’esprit d’imprudence et d’erreur, qui annonce Sedan et le 4 septembre, se repait de ce dessein. Tantôt c’est la Belgique seule, tantôt le Luxembourg avec elle ou à son défaut, qui nourrit l’impériale chimère. Berlin ne répond que ce qu’il faut pour faire parler Paris et renseigner Londres et Bruxelles. Les projets circulent dans le mystère des chancelleries, piège construit par des mains françaises et où se prendra la France, quelques mois plus tard.

Léopold II, en dépit des assurances, mesure l’étendue du péril. Que le plan bismarckien pèche par quelque côté, la Belgique sera la sacrifiée. La nation, ignorante et optimiste, ne vibre point du frisson clairvoyant de son souverain. Il faut agir sans elle, peut-être malgré elle, donc avec mesure et prudence autant qu’avec rapidité. Aidé du général Chazal, ministre de la Guerre, le Roi se met à l’œuvre. En 1866, premier succès : un crédit de 25 millions destiné à rajeunir les places fortes ; puis, la même année, un discours du trône signalant la nécessité de « maintenir la neutralité belge sincère, loyale et forte ; » enfin en 1867, la réunion d’une commission parlementaire et militaire chargée d’étudier la réorganisation de la défense avec, pour sanction, une loi militaire, d’où sortira l’armée qui veillera en 1870 à l’intégrité du territoire. Cette fois, les moins inquiets prennent peur, et quand Léopold II, ouvrant le 8 août la session extraordinaire des Chambres, jette le cri d’alarme, ce cri est entendu de toute la Belgique : « Messieurs, dit-il, la Belgique a déjà été soumise à plus d’une épreuve périlleuse. Aucune n’a eu la gravité de celle qu’elle traverse aujourd’hui. Le peuple belge n’est pas près d’oublier que ce qu’il a à conserver aujourd’hui, c’est le bien-être, la liberté, l’honneur, l’existence même de la patrie. » Bien de plus juste, puisque, dès l’ouverture des hostilités, Bismarck a informé le Cabinet de Bruxelles que, si l’armée française passe la frontière, la Belgique sera immédiatement envahie par les forces allemandes. Les mesures prises conjurent le danger, et la Belgique ne connaît de la guerre qu’un grand devoir de bienfaisance humaine dont elle s’acquitte avec générosité. L’orage est passé. Mais que de nuages au ciel encore !

Cinq ans après, c’est l’alerte de 1875, plaçant de nouveau