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« J’ai appris à le connaître en le violant. » Le jeune solicitor apportait à ses compatriotes les ressources, les roueries de la chicane. Il se plaça vite au premier rang parmi ceux qui menaient une campagne contre les dîmes ecclésiastiques. Le parlement était disposé à accorder une réforme de la dîme, et M. Lloyd George repoussait celle réforme, car il ne pouvait se déclarer satisfait que par la suppression totale de l’abus. Pas de demi-mesure, pas de progrès partiel : tout ou rien ! Tel est le tempérament révolutionnaire, qui est toujours distinct du tempérament réformateur, quand il n’en est pas l’opposé, la négation absolue.

Dès la création des conseils de comté, M. Lloyd George fut élu dans le Carnarvon, et son influence se fit immédiatement sentir dans ces nouvelles assemblées. Il les poussait hors de la voie légale en leur proposant d’émettre des vœux politiques qui outrepassaient leur mandat. Aux termes du statut qui les avait constitués, les conseils ne pouvaient communiquer entre eux, sinon par l’intermédiaire du pouvoir central. M. Lloyd George fit les plus grands efforts pour amener une entente directe entre les conseils gallois, et une action commune par la création d’une ligue chargée de veiller aux intérêts régionaux.

Déjà son nom était populaire dans la contrée et son compatriote, Tom Ellis, attaché comme lui au nationalisme gallois, avait trouvé sa place à Westminster, lorsqu’une vacance se produisit dans la députation de Carnarvon. L’idée vint à quelques personnes de mettre en avant M. Lloyd George, alors âgé de vingt-six ans. Ce n’était pas trop tôt pour un fils de duc, mais le neveu d’un cordonnier de village ne pouvait espérer de trouver, à cet âge, les portes aussi largement ouvertes devant lui. Pourtant, M. Lloyd George n’hésita pas un moment à accepter la candidature offerte et à disputer les bourgs de Carnarvon au Seigneur de son ancien village. Il paya de sa personne et de sa parole, pendant que l’adversaire payait de sa bourse. « Il me semble, disait sir Wilfrid Lawson, le vieux radical, il me semble voir David marcher au combat contre Goliath ! » La victoire du moderne David ne fut pas tout à fait aussi éclatante que celle de son homonyme biblique : il fut élu, après une bataille acharnée, avec une majorité de dix-huit voix.

C’est le 17 avril 1890 que le nouveau membre prit séance pour la première fois. Il y avait six ans, du haut de la galerie,