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pas une épaisseur indéfinie et qu’ils reposent toujours sur une assise étanche, située plus ou moins bas. Aussi la pluie infiltrée tend-elle à descendre, soit par les pores des roches, soit par les fissures qui les traversent et elle vient s’arrêter sur le support infranchissable pour y constituer une nappe souterraine ou niveau d’eau. Un bon exemple de cette disposition générale peut être fourni par le plateau de Briey (Meurthe-et-Moselle) où le calcaire perméable du terrain dit oolithique repose sur les argiles étanches du lias. Les habitans, d’ailleurs assez rares, de ce plateau, sont contraints parfois de creuser des puits de très grande profondeur pour aller rechercher le niveau aqueux.

Dans quelques pays, les accidens de la surface du sol permettent de pénétrer vraiment dans l’anatomie de ces localités hydrologiques dont la notion va nous être si utile pour la suite, et, à cet égard, je ne connais pas de localité plus frappante que le pied du cap Blanc-Nez, un peu à l’ouest de Calais. La muraille à pic, entaillée par la mer, a mis à jour, à portée de nos yeux, la ligne horizontale du contact d’une roche perméable, la craie blanche, avec une roche étanche, la craie marneuse, à laquelle elle est superposée. Cette dernière arrête la descente des infiltrations de la craie blanche et supporte un niveau d’eau. Et c’est pourquoi l’excursionniste qui, à marée, basse, foule les galets sous le cap, voit, vers le milieu de sa hauteur, d’innombrables écoulemens aqueux tous alignés sur le même point, qui alimente une espèce de rideau liquide tendu le long de la falaise.

Nous pourrions, en retournant dans le pays de Briey, revoir les mêmes circonstances, mais sous une autre forme, pour la nappe aqueuse alimentant les puits mentionnés tout à l’heure. En effet, le grand plateau privé d’eau est entaillé de vallées parfois assez profondes pour parvenir plus bas que l’horizon aquifère. Descend-on les pentes de ces vallées, on est fort surpris d’y rencontrer des villages, comme Liverdun, perchés à flanc de coteau sous les escarpemens calcaires de l’oolithe et à plus de 60 mètres au-dessus du fond étanche de la vallée. Ils jalonnent les sources soutenues par le lias et signalent en même temps le niveau de tout à l’heure.

Le fait que, dans ce cas, le niveau n’apparaît pas sous la forme d’un écoulement en nappe continue, mais à l’état de sources distinctes, est lui-même intéressant pour notre sujet,