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REVUE. — CHRONIQUE.

En sait-on beaucoup plus maintenant que le discours du Roi est connu ? Le morceau est plus bref que d’habitude ; en voici la phrase essentielle : « Milords et messieurs, une expérience récente a mis au jour de sérieuses difficultés dues à de fréquentes et graves divergences d’opinion entre les deux branches de la législature. On vous soumettra, avec toute la rapidité convenable, des propositions tendant à définir les relations entre les Chambres du Parlement, de façon à assurer l’autorité sans partage de la Chambre des Communes en matière de finances et sa suprématie législative. Ces mesures, dans l’opinion de mes conseillers, devront pourvoir à ce que cette Chambre (la Chambre des Lords) soit constituée de telle façon et armée de tels pouvoirs qu’elle puisse exercer impartialement, à l’égard des projets de loi, les fonctions d’initiative, de révision et, avec les sauvegardes convenables, de délai. Je prie le Tout-Puissant de bénir vos travaux. » Ce discours a été pour tout le monde une déception. On savait d’avance que le gouvernement prendrait à tâche de régler définitivement les rapports des deux Chambres, de manière à attribuer aux Communes un privilège exclusif sur les questions de finances, puisque c’était la question qui avait amené la rupture entre les deux Chambres et qui avait été soumise au pays. On s’attendait aussi à ce qu’il se proposât de leur assurer la suprématie législative. Mais comment et dans quelles limites ? Le discours ne l’explique pas. Il n’est pas moins muet sur l’ordre à donner aux travaux parlementaires : commencera-t-on par le budget, ou par la Chambre des Lords ? Le discours ne le dit pas. Faute de mieux, on a beaucoup remarqué et commenté les mots ; « Dans l’opinion de mes conseillers, » que le Roi applique aux mesures qu’il annonce. Ces mots sont une nouveauté. Il semble que le Roi ait voulu marquer, avec une netteté plus grande que d’habitude, qu’il restait personnellement en dehors des partis.

La discussion qui s’est ouverte dans les deux Chambres, aussitôt après la lecture du discours du Roi, n’a pas apporté plus de lumière que ne l’avait fait le discours lui-même. Seuls, M. Balfour à la Chambre des Communes et lord Lansdowne à la Chambre des Lords ont parlé sans embarras : on n’en sera pas étonné, car jamais opposition n’a eu la situation plus facile. Le passage le plus saillant du discours de M. Balfour est celui où il affirme que la Chambre des Communes ne représente pas suffisamment l’opinion du pays pour avoir le pouvoir illimité de modifier les institutions fondamentales. Le marquis de Lansdowne n’a pas été moins explicite. « Les dernières élections, a-t-il dit, ne donnent aucune indication au sujet des Lords. Le gouverne-