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assiste aussi. Voir la duchesse, en perdre la tête, et, pour la suivre, abandonner Mimi, c’est pour Théodore l’affaire d’un instant et la conclusion du premier acte. Au second, pendant la fête et sous divers déguisemens, Théodore se fait le « cavalier » ou « le danseur inconnu » de la duchesse Thérèse. Mais à la fin, rejoint, reconnu et réclamé par la brave petite grisette, dans la splendeur des feux d’artifice et de l’apothéose, il lui sera rendu.

Pour l’oreille comme pour les yeux, le premier acte est agréable. La musique y a des façons vives et légères, spirituelles et toujours faciles, un peu trop faciles parfois. De la danse, ou de la pantomime, l’orchestre souligne avec justesse, avec finesse aussi, les menus incidens : l’entrée ou la sortie d’un personnage, et puis, d’une manière générale, la vie, au moins la vie extérieure, de l’atelier, le va-et-vient des ouvrières, leur gaieté, leur entrain, leur empressement à recevoir, à fêter une cliente de marque, ballerine ou duchesse. Et cet orchestre, toujours mélodique et chantant, et dansant, n’est pas incapable non plus, quand il le faut, de velléités symphoniques sans prétention, mais non sans goût, ni sans esprit. La leçon de chorégraphie que donne la danseuse à l’ouvrière, sur, la célèbre valse de Giselle, est une chose gentille. Elle est cela non seulement par le plaisir, historique ou rétrospectif, que nous cause la citation de la vieille ou vieillotte mélodie, mais par la façon dont le musicien moderne l’annonce et la prépare d’abord, et puis et surtout, à la fin, la développe, et sans trop la dénaturer, la ranime et la rajeunit. Nous parlions d’esprit et de gentillesse. Il y a là même de la poésie. Il pouvait y en avoir davantage. À la valse de la Grisi, valse apprise, convenue et d’Opéra, Mimi répond elle aussi par une valse. J’aurais voulu dans celle-ci plus de naturel encore, plus d’ardeur et de liberté. Ici devait passer à travers l’atelier un souffle, un frisson de l’âme féminine et populaire, celui qui fit un moment battre et défaillir le cœur à des ouvrières aussi, au second acte de la Louise de M. Gustave Charpentier.

Le tableau suivant (la fête) est plus ordinaire. Il ne se compose et ne pouvait se composer que d’ « entrées » successives, de groupes, d’épisodes élégans ou somptueux, mais sans intérêt et sans vie.


 
Les Amyntas rêvant auprès des Léonores,
Les marquises riant avec les monsignores

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Deux femmes soutenaient le manteau d’Arlequin,
Trivelin leur riait au nez comme un faquin

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