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REVUE. — CHRONIQUE.

points auxquels sa politique avait toujours été conforme, et qu’au surplus, cette politique ne s’était pas modifiée depuis Muerzsteg. Quelques-unes de ces assertions sont certainement de nature à étonner. En tout cas, si la Russie a pensé que ces trois conditions pouvaient servir de préface à un accord formel, cette impression s’est rapidement dissipée chez elle. L’Autriche a estimé, en effet, qu’un accord de ce genre n’était pas nécessaire puisqu’on n’avait rien de nouveau à consacrer ; et c’est justement parce qu’une communication aux puissances aurait eu, dans une certaine mesure, l’apparence d’une entente à laquelle on les aurait associées, qu’elle s’est refusée à la faire. La Russie a pris alors le parti de la faire toute seule ; mais il n’échappera à personne qu’une communication unilatérale perd un peu de sa portée. A parler en toute franchise, nous doutons que ces incidens rétablissent entre M. Isvolski et M. d’Æhrenthal une pleine cordialité, mais ils rétabliront des rapports normaux entre les deux gouvernemens, et c’est le plus important. Depuis l’annexion de l’Herzégovine et de la Bosnie, le froid avait été tel entre la Russie et l’Autriche que les ministres et les ambassadeurs ne communiquaient que par écrit ; ils ne se voyaient plus ; toute conversation directe était devenue impossible. Cet état de choses ne pouvait se prolonger sans inconvéniens. On l’a compris simultanément à Vienne et à Saint-Pétersbourg, et la glace a été rompue. Nous répétons qu’il faut s’en féliciter.


Nous voudrions pouvoir parler plus longuement de l’Alsace-Lorraine, et du discours en partie imprévu dans lequel le chancelier impérial a annoncé qu’une constitution autonome allait lui être donnée. Le projet en était fait, terminé ; mais il devait être soumis au Conseil fédéral avant de l’être au Reichstag. Cette nouvelle produit en France des sentimens qu’on devine sans peine. L’Alsace et la Lorraine sont pour nous des provinces séparées, mais non pas étrangères, et nous prendrons toujours part à ce qui leur arrivera d’heureux. Nous ne pouvons rien dire de plus pour le moment d’un projet que nous ne connaissons pas. Donnera-t-il satisfaction aux Alsaciens-Lorrains ? Ils attendent et doutent. Nous attendons comme eux. En tout cas, une chose parait certaine, c’est qu’ils auront fait un pas important vers l’autonomie.


Nos lecteurs connaissent déjà par les journaux la douloureuse nouvelle de la mort de M. le vicomte Eugène-Melchior de Vogüé, qui a été enlevé brusquement aux affections que son caractère, et à l’admiration