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LE ROI ET LA REINE DE NAPLES.

pied le jardin des Tuileries. Aussitôt qu’il la voit mieux portante, l’Empereur recommence à l’utiliser, à lui rendre l’emploi où naguère elle excellait, celui de directrice et presque de surintendante des plaisirs officiels. Cette année, comme les menaces de guerre se rapprochent et assombrissent les esprits, le carnaval parisien s’annonce assez morne : l’Empereur décrète qu’il sera brillant ; il faut qu’à tout le monde la cour donne l’exemple et le branle. Donc, des fêtes qui sortent de l’ordinaire, des amusemens qui tranchent sur les banalités courantes, des plaisirs olympiens. Caroline est là pour les composer. On lui donne l’idée d’organiser et de diriger une suite de quadrilles costumés, un grand ballet mythologique, allégorique, et la voici tout occupée à recruter dans le plus noble personnel des Nymphes, des Génies et des Heures qui, sous son commandement, répètent leur rôle, s’alignent, évoluent et font des grâces, en attendant de paraître au jour dit en pleine salle du théâtre des Tuileries, dans le chatoiement des couleurs et le miroitement des gazes pailletées, dans le scintillement des magiques pierreries, sous des constellations de lustres.

À la brièveté des lettres de la Reine, on s’aperçoit bientôt qu’elle est dans le feu des préparatifs et en grand affairement mondain : « Je viens de chez Paulette, où nous avons répété le quadrille qui sera bien beau… Ce soir, il y a un bal chez la maréchale Ney ; demain, ma répétition générale pour le quadrille ; jeudi, le quadrille. Ainsi tu vois que voilà une semaine bien occupée. »

Le 6 février, la représentation a lieu ; à la scène finale, Caroline paraît en manteau de pourpre étoile d’or, coiffée d’un casque à plumes tricolores ; c’est la France, la France en tenue d’apothéose, à qui Rome sous les traits de Pauline transmet l’empire du monde, au milieu de toute la figuration, au milieu des poses balancées et des pas rythmés. Une autre fois, la reine de Naples mène à la suite de l’Impératrice un quadrille en costumes pittoresques et régionaux, une sorte d’entrée et de défilé des nations[1]. Et l’Empereur, satisfait de ces fêtes qui font événement, charmé du lustre et du bel ordre que Caroline apporte à ces divertissemens pompeux, passe bien des choses au mari en considération de la femme. Il accable un peu moins Murat

  1. Voyez spécialement Frédéric Masson, l’Impératrice Marie-Louise, p. 360-374.