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LE ROI ET LA REINE DE NAPLES.

et se livre, fait demander par sa femme la permission de venir à Paris, sauf à n’y passer que quelques jours, si la guerre n’a pas lieu : « Volontiers, dit alors l’Empereur, écrivez-lui de venir. » Après une dernière reprise d’hésitation, Murat accourt. Le 4 mai, il est à Saint-Cloud où la cour vient de se rétablir, où sa femme est installée au pavillon d’Italie. Bien accueilli par l’Empereur qui se dispose lui-même à partir, il se laisse immédiatement reprendre dans le vaste engrenage où sa place est marquée parmi les rouages essentiels. Il ne résiste pas à commander devant l’ennemi trois corps entiers de cavalerie, à retrouver, dans l’entraînement vers le Nord d’une humanité en armes, son mouvant royaume, son empire équestre. Avec l’Empereur, la réconciliation est patente, officielle, et la confraternité militaire reprend. Au cours de la campagne, devant l’ennemi, Murat obtiendra plusieurs concessions jusqu’alors refusées.

On sait ce qu’il fut pendant la marche sur Moscou, à toutes ces étapes qui se marquèrent en traces de sang sur la terre russe, sur ce sol dévasté par ses propres habitans et sur l’infini des ruines. À le suivre aux affaires d’Ostrowno et de Witepsk, autour de Smolensk, dans ses pointes d’avant-garde, dans ses témérités légendaires et ses gaspillages de bravoure, il y aurait à rappeler quelques-uns des plus fiers souvenirs que la France ait eu à recueillir dans son patrimoine d’honneur. À la Moskowa, il fut parmi ceux qui, dans cette journée sans combinaisons ni manœuvres savantes, toute de forcenée bravoure, violentèrent le succès. Au moment décisif, lorsqu’il fallut reprendre la grande redoute enlevée le matin et réoccupée par l’ennemi, tandis que l’infanterie d’Eugène assaillait de front le retranchement, la charge tournoyante qui s’abattit sur l’intérieur de l’ouvrage en ruée frénétique se fit sous le commandement supérieur de Murat. Que n’est-il tombé là, entouré de ses compagnons d’armes, héroïque et fidèle, en face de la redoute envahie de cavalerie, embrasée de feux, à l’heure où se décidait en victoire française la plus formidable bataille du siècle !


Albert Vandal.