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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/885

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devenir le feu sacré du génie et de la liberté ? S’éteindra-t-il ? Et l’Italie se remettra-t-elle à faire des sonnets imprimés sur du satin rose pour les jours de noces ? » Elle en écrivait encore, parce que les peuples, pas plus que les hommes, ne rompent en un seul jour avec leurs habitudes invétérées. Mais elle en faisait infiniment moins, — la statistique même des œuvres parues à cette époque le montre rigoureusement, — parce qu’une idée se développait en elle, qui remplaçait peu à peu toutes les préoccupations, jusqu’à constituer le trait dominant de l’évolution intérieure de l’Italie. Cette idée, c’est celle que Napoléon, à Sainte-Hélène, « couché à quatre pattes » sur une grande carte de l’Italie qui couvrait tout le plancher, et la marquant à coups de crayon rouge, énonçait en ces termes : « Toute cette grande population, professant la même religion, jouissant également des douceurs d’un climat très tempéré, ayant le même langage, la même littérature, doit s’influencer réciproquement, et finir par s’agglomérer, comme l’ont fait les divers royaumes britanniques, les diverses provinces de la France, comme le feront peut-être un jour celles de l’Allemagne. Les parties italiennes ont eu et ont encore plus de choses communes entre elles que n’en avaient toutes celles-là. »


II

À cette évolution intérieure, il est nécessaire qu’une évolution extérieure corresponde. Dans l’incessant travail d’échange qui constitue la vie de l’Europe, l’Italie a donné et a reçu : qu’a-t-elle reçu ? qu’a-t-elle donné ? Les peuples les plus fermés, ceux que leurs frontières et la volonté de leurs maîtres semblent tenir à l’écart, ne peuvent se soustraire à cette loi. Nous avons essayé d’entrer au plus intime de la maison, et de voir ce qui se passait au foyer même. Mais nous savons bien que la vie ne se borne pas là. Ouvrons la fenêtre, regardons au dehors ; prêtons l’oreille, et tâchons de saisir au passage les bruits que nous apportent les vents venus de l’horizon.

Sur des prisonniers qui secouent leur apathie comme ils voudraient secouer leur joug, et qui commencent à souffrir de leur captivité, les nouvelles du monde extérieur produisent un effet spécial. Tandis qu’elles alimentent simplement la curiosité