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avaient donné au projet primitif une tout autre tournure. Ces aveux intéressaient le général, parce qu’ils mettaient une fois de plus en lumière ce fait qu’en temps de guerre celui qui peut prendre rapidement l’initiative et s’est assuré la supériorité par le nombre et l’audace, celui-là renverse rapidement toutes les combinaisons de l’ennemi. Mais ce n’était malheureusement pas le cas des Français. Napoléon se disait favorable au baron Stoffel et lui rendait justice, bien que, suivant lui, ses rapports eussent donné peu de détails sur l’organisation militaire allemande de 1868 à 1869. Monts trouvait ce jugement sévère ; il s’étonnait que les judicieux avertissemens de Stoffel eussent été peu écoutés. Mais il n’insista pas, de crainte de blesser son interlocuteur.

Un autre sujet occupa davantage Napoléon III pendant le cours de sa captivité : celui des relations de la France avec l’Allemagne sous son gouvernement. Le chancelier ayant accusé la politique napoléonienne d’avoir depuis de longues années intrigué contre le gouvernement prussien, et cette accusation ayant été répétée dans la presse étrangère, l’Empereur crut utile d’y répondre. Il le fit en rédigeant une brochure qui eut alors un peu de retentissement, et qui est assez difficile à trouver aujourd’hui. Je l’ai sous les yeux. Elle est intitulée : Des relations de la France avec l’Allemagne sous Napoléon III[1]. Mais comme elle opposait aux vagues assertions de M. de Bismarck des faits précis et qu’il ne convenait pas à un souverain prisonnier d’entrer en contradiction publique avec le ministre d’un roi victorieux. Napoléon III demanda à un ami, le sénateur marquis de Gricourt, d’accepter la paternité de l’œuvre, et Gricourt la signa.

« On me passait, rapporte Mels, les feuilles du manuscrit aussitôt terminées, et ma traduction (car cette brochure fut imprimée aussi en allemand) marchait de pair avec l’original. On imprimait à Cassel au fur et à mesure. Je me trouvai en avance sur l’édition de Bruxelles, et je pus envoyer, aussitôt le tirage fait, un exemplaire au conseiller intime Louis Schneider, lecteur du roi Guillaume, qui m’avait témoigné beaucoup de bienveillance et se trouvait près de lui à Versailles. Schneider en fit la lecture au Roi qui en fut extrêmement frappé. Se laissant

  1. Bruxelles, chez Rozez, 1871, in-8o.