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guider depuis des années par M. de Bismarck, ne voyant que par ses yeux et recueillant les résultats hardis et si heureux de son ministre, le monarque ne connaissait beaucoup de faits que sous l’aspect où le chancelier les lui avait présentés. »

Voici le résumé fidèle de cette brochure qui en démontrera tout l’intérêt.

L’Empereur défend naturellement sa politique contre ceux qui l’accusaient de manquer de stabilité et de franchise. Il dit que, tant que son pouvoir a été fort et respecté, le pays a été calme et prospère et les relations extérieures excellentes. Suivant lui, les embarras et les malheurs ne sont venus fondre sur la France que depuis l’installation du parlementarisme.

Etudiant plus spécialement les questions étrangères, Napoléon affirme qu’il était sincère quand il prononçait à Bordeaux cette parole tant critiquée : « L’Empire, c’est la paix, » mais que les événemens l’avaient fait revenir des illusions nées d’une âme honnête. Au moment où il étudiait un projet de réduction des impôts qui frappaient plus spécialement les classes pauvres, la question d’Orient surgit tout à coup et fit ajourner ce projet de réforme si utile. Il fallait avant tout soutenir la politique traditionnelle de la France en Orient. Il le fit de façon à cimenter notre alliance avec l’Angleterre et sans blesser la Russie, que la modération de nos conditions de paix toucha d’ailleurs grandement. Napoléon assure, et cela sans avoir été payé de retour, qu’il a toujours été fidèle à l’alliance anglaise en résistant à toute suggestion pour abaisser une puissance rivale. Il pensait s’être attiré également la gratitude de la Prusse par l’empressement qu’il avait mis à répondre au désir de Frédéric-Guillaume IV d’être admis au Congrès de Paris dont on l’avait exclu. Cette faveur fut vite oubliée par une puissance qui, plus encore que l’Autriche d’autrefois, devait étonner le monde par son ingratitude.

Si, en 1859, l’Empereur crut devoir soutenir le Piémont, c’est qu’il redoutait que l’Autriche ne devînt maîtresse de toute l’Italie jusqu’à nos frontières. Napoléon avoue que la paix se fit sans que tout son programme eût été exécuté, et que l’attitude de la Prusse suspendit notre marche victorieuse. Il essaya en 1864 de reconstituer l’édifice européen sur de nouvelles bases, puisque les traités de 1815 avaient vécu, et de convier l’Europe à un Congrès où l’on mettrait fin partout à des armemens