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REVUE. — CHRONIQUE.

d’actions du travail, et organiser un système de conciliation plus efficace entre eux et les patrons, ce sont encore là des idées qui flottent dans l’air, mais qui ne se sont pas non plus fixées et concrétées dans des projets pratiques. M. Briand leur donnera-t-il un corps ? Nous ne pouvons que constater qu’il ne l’a pas fait dans son discours. Les nuages du matin ne sont pas plus vaporeux. Quoi qu’il en soit, il y a là de quoi occuper plusieurs législatures. La fin du discours rappelle très heureusement celui de Périgueux : combien nous applaudirions, si nous ne savions pas qu’il n’en est rien résulté !

Ne soyons pas trop exigeans : nous serons reconnaissans à la prochaine Chambre si elle réalise seulement, — en les choisissant bien — une ou deux des réformes que M. le président du Conseil a éloquemment annoncées. Mais avant tout, elle devra s’occuper de notre situation financière, et trouver des recettes pour faire face aux dépenses dont on a vu plus haut le chiffre inquiétant. Qu’il y ait réforme ou non, c’est l’œuvre fiscale qui sera la tâche la plus importante de la législature qui va s’ouvrir. Et de quelque côté qu’on se tourne, on aperçoit de nouvelles obligations de dépenses : obligations est le mot juste, car quelques-unes de ces dépenses se présentent avec un caractère impérieux.

Rien n’a été plus pénible que la discussion du budget de la Guerre au Sénat : la conclusion en a été que la défense nationale n’était pas assurée. Les divers orateurs qui se sont succédé à la tribune ont accusé, en haut lieu, un esprit de scepticisme, et par conséquent de négligence, dont tout se ressent. L’un d’eux en particulier, M. Émile Reymond, a donné cette impression à son auditoire avec tant de force qu’en dépit de l’oppression douloureuse qui pesait sur les cœurs, il a été couvert d’applaudissemens. On lui a fait une véritable ovation. Pourquoi ? Parce qu’il a prouvé, trop bien, hélas ! l’insuffisance, ou plutôt la nullité de notre aérostation militaire, comparée à celle de nos voisins. Pendant qu’il parlait, racontant les efforts des Allemands, énumérant les résultats qu’ils avaient atteints, et montrant, par contraste, notre propre inertie, la paralysie de notre volonté sous les effets du scepticisme officiel, des souvenirs angoissans se pressaient dans les mémoires. Serons-nous toujours les mêmes ? Commettrons-nous toujours les mêmes fautes ? Fermerons-nous toujours les yeux aux exemples qui nous viennent de l’autre côté des frontières ? Aujourd’hui comme autrefois, l’Allemagne est constamment en quête des inventions qu’elle peut faire servir au développement de sa force militaire. Ces inventions se produisent le plus