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dont la réalisation aurait équivalu à une révolution, il a répondu : Halte-là ! Les réformes fiscales, en particulier, l’ont sérieusement préoccupé. Les projets financiers de M. Caillaux l’a inquiété. Par-dessus tout, l’accélération des dépenses publiques l’a effrayé. Quand les dépenses augmentent, il faut tôt ou tard les payer, et, de quelque façon qu’on s’y prenne, la charge des impôts, avec ses multiples incidences, finit par retomber sur tout le monde. Est-ce là ce qui a fait réfléchir ? Est-ce autre chose ? Quoi qu’il en soit, il y a aujourd’hui quelque chose de changé en France : le pays a dit très nettement, très fermement qu’il ne voulait pas aller plus loin.

Tous les partis ont fait des pertes, tous ont quelques-uns de leurs représentans en ballottage ; mais, de tous, le parti radical et radical-socialiste a été le plus éprouvé. Ce parti qui est au gouvernement depuis une douzaine d’années et qui l’a exploité, avec une âpreté singulière, à son profit exclusif, il y a peu de temps encore s’appelait fièrement le bloc. Il a eu ses plus beaux jours et le pays ses plus mauvais et ses plus honteux sous le ministère de M. Combes. Tout alors pliait devant lui, et on a su depuis, au grand scandale de l’honnêteté publique, à quels procédés il avait recours pour imposer et pour maintenir son empire. Quoique cet empire soit bien ébranlé aujourd’hui, il en reste toujours quelque chose, et la lutte contre lui n’est pas finie. Les élections d’hier en sont un épisode significatif. Parmi les candidats en ballottage figurent quelques-uns des représentans les plus en vue de la politique de ces dernières années. Nous ne voudrions rien dire de désobligeant pour les personnes, mais il faut bien en nommer quelques-unes pour éclairer la situation. M. Henri Brisson, président de la Chambre, qui, déjà, il y a quelques années, avait dû chercher une nouvelle circonscription électorale à Marseille, après avoir été mis en minorité dans celle de Paris qu’il représentait à la Chambre, M. Henri Brisson est en ballottage, et le résultat de ce ballottage est incertain. Si on avait cru, en l’y transportant, assurer à M. Brisson un refuge dans un département radical-socialiste et destiné à le demeurer, on s’est trompé. Le département des Bouches-du-Rhône est un de ceux où le progrès des idées modérées est le plus sensible. Le très grand succès, dans la troisième circonscription de Marseille, de M. Thierry, le très distingué président du groupe progressiste, en est une preuve ; mais il y en a d’autres, par exemple l’élection de M. Bouge, ancien député progressiste, contre M. Carlier, socialiste unifié, et le ballottage où M. Chanot, ancien maire libéral, tient la tête contre M. Carnaud, socialiste. Ajoutons que M. Camille Pelletan a