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venues possibles qui ne l’étaient pas avant ; mais il faut savoir jusqu’où va à gauche le parti radical et si, quand on met la main dans sa main droite, il ne met pas lui-même sa main gauche dans celle de M. Goude. La question intéresse la majorité de demain ; elle intéresse aussi le gouvernement.

Celui-ci a un rôle très important à jouer : les élections lui en ont donné la force, s’il sait l’employer. Nul ne lui demande de faire de la réaction ; il ne le pourrait pas quand même il le voudrait, et assurément il ne le veut pas. On lui demande seulement de comprendre le vœu des électeurs et de s’y conformer. Ce vœu est de laisser les choses faites se tasser en quelque sorte, et de ne pas en entreprendre de nouvelles dans la poursuite desquelles le pays ne le suivrait pas. On n’attend pas de la Chambre nouvelle de grandes réformes, et d’ailleurs, les candidats n’en ont pas promis beaucoup : les grandes réformes réalisables sont faites et celles de l’avenir ne sont pas encore mûres. La Chambre devra se consacrer à deux œuvres principales. La première est la réforme électorale, qui peut devenir la préface de plusieurs autres, mais seulement après des élections qui auront affranchi le député de certaines servitudes. La seconde est l’œuvre fiscale : c’est exprès que nous ne disons pas ici la réforme, non pas que quelques modifications ne doivent pas être introduites dans notre régime fiscal, mais parce que ce terme, avec l’extension qu’il est facile de lui donner et qu’on lui a donnée en effet, prête à l’équivoque. La majorité des candidats élus, tout en conservant le mot d’impôt sur le revenu, l’ont appliqué à tout autre chose qu’au projet de M. Caillaux : ils ne veulent d’inquisition sous aucune forme. Plus lourdes sont les charges nouvelles auxquelles on aura à pourvoir, plus il faut s’appliquer aménager l’instrument fiscal qui a donné jusqu’ici les plus hauts rendemens du monde entier ; il ne faut du moins y toucher qu’avec précaution et par des modifications successives dont on devra prendre le temps d’apprécier les conséquences avant d’en entreprendre de nouvelles. Cette politique n’est peut-être pas très éclatante ; elle ne jette évidemment pas de la poudre d’or aux yeux des électeurs ; mais elle est prudente, sage, utile, et nous la croyons nécessaire. Le gouvernement saura-t-il en fixer les lignes générales et, après les avoir fixées, aura-t-il assez d’autorité sur la Chambre pour l’empêcher de les embrouiller ? Il doit parler, c’est-à-dire agir dès le premier moment, s’il veut prendre cette autorité sur les nouveaux venus qui sont très nombreux : ils sont plus de deux cents. Il faut leur donner tout de suite une orientation et c’est du gouvernement qu’elle doit