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comme un second coup de théâtre, à l’annonce du danger ; enfin la cérémonie célébrée deux mois plus tard, à la satisfaction de tous les Anglais, et variée par un ou deux de ces incidens touchans et pittoresques auxquels ils attachent beaucoup de prix : le Roi soutenant de ses propres mains le vieil archevêque dont les forces défaillent au moment de lui poser la couronne sur la tête, ou relevant, pour l’embrasser, son fils qui vient, le premier, lui rendre hommage.


III

Au printemps de 1903, le Roi, parfaitement assis sur son trône, quittait l’Angleterre pour un voyage qui devait rester une date dans l’histoire de l’Europe. Il fit voile d’abord vers Lisbonne où l’attendait un roi ami et où sa visite avait été préparée par un très habile homme et très fin diplomate, qu’on mettait, et non sans raison, au nombre de ses amis personnels. Mais quelle que fût la dextérité du marquis de Soveral, il ne dépendait pas de lui de faire disparaître certaines rumeurs nées pendant la guerre, et qui lui survivaient. Il s’agissait de l’acquisition, forcée ou semi-volontaire, de Delagoa Bay dont le voisinage avait singulièrement gêné l’action militaire des Anglais et prolongé ainsi la résistance du Transvaal. A Lisbonne, Edouard VII laissa tomber, sans hâte et sans affectation, mais avec cet accent de parfaite loyauté auquel tous croyaient et auquel personne n’a jamais regretté d’avoir cru, des paroles décisives, destinées à rassurer les Portugais sur la conservation des précieux restes de leur bel empire colonial.

Lorsque Edouard VII remonta sur son yacht, le Victoria and Albert, il avait rendu facile la tâche des diplomates chargés de régler les questions pendantes et rattaché le Portugal à cette alliance bi-séculaire de la Grande-Bretagne qui lui a coûté beaucoup et beaucoup rapporté, et dont il doit estimer la valeur à ses profils comme à ses sacrifices. De Lisbonne, le Roi se rendit à Gibraltar et de Gibraltar à Malte. C’était la première fois qu’un souverain anglais visitait cette possession si importante. Le loyalisme des habitans était des plus précaires. En quelques paroles, adroites mais franches, le Roi toucha aux griefs de la population et fit des promesses dont le sens avait