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peau, qui pend à sa ceinture et qui n’est pas plus grand que les réticules de nos dames. Sur une pierre plate qu’il vient de ramasser, il vide le contenu du sac, le mouille avec l’eau de la source, le pétrit, l’amincit en une galette ronde et très plate. Puis il l’étale sous la cendre et les charbons du feu de bivouac, qui a brûlé pendant la nuit. Cette mixture de farine et d’eau sulfureuse, arrosée d’une tasse de café, ce sera toute sa nourriture pour cette journée. En attendant que sa galette cuise, il se couche sous le pommier de Sodome, dont les larges feuilles, soyeuses et lustrées, lui font une tente plus confortable que la nôtre. A ses pieds, la source bouillonne et chante doucement.

Je m’y baigne à mon tour. La délicieuse sensation de bien-être ! Ce bain chaud, en plein air, en plein mois de décembre, — et devant un paysage comme celui-ci ! — c’est une jouissance incomparable, où les sens, comme le cœur, s’épanouissent. Je doute que, dans la Haute-Egypte, les stations hivernales les plus célèbres offrent à leurs malades un abri plus sûr et plus bienfaisant que cette falaise d’En-Gaddi. L’air y est autrement salubre. Les moindres souffles qu’on respire vous grisent comme des bouffées d’éther. Les poitrines délicates doivent se cicatriser ici, au contact de cet air chaud, qui est purifiant comme le feu et suave comme une caresse.

Que nous voilà loin des sombres imaginations des voyageurs romantiques ! On nous disait que la Mer Morte était une affreuse cuvette rocheuse, aux eaux empestées et aux bords inhospitaliers. Or nulle contrée du monde n’est plus saine, plus médicatrice. Le pays est couvert de sources jaillissantes, dont les vertus sont toujours appréciées et utilisées par les nomades. Elles sont connues depuis la plus haute antiquité. Lors de sa dernière maladie, Hérode mourant se fit transporter à Callirrhoé, près de Machærous : les Bédouins y viennent encore soigner leurs rhumatismes. Ce joli nom grec signifie « la bonne » ou « la belle fontaine. » Il y en a d’autres, paraît-il, dans les ravins des environs. Au Hamman-es-Zerka, on rencontre des sources chaudes et des sources froides, à divers degrés de température[1]. Le malade peut choisir, ou combiner les thérapeutiques. Des baignoires naturelles sont creusées dans le sol. On peut même y

  1. J’emprunte ces détails à la Revue biblique d’avril 1909, où le P. Abel, du couvent de Saint-Étienne de Jérusalem, a publié la relation de la croisière récemment entreprise par les Dominicains, autour de la Mer Morte.