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Pucelle accomplit en trois jours. A qui l’attribuer, sinon à celui qui peut faire tomber une grande foule sous les coups de quelques hommes, et pour qui le salut d’un grand nombre ne présente pas plus de difficultés que le salut d’un petit nombre ? C’est donc à vous, mon Dieu, roi de tous les rois, que je rends grâce d’avoir humilié le superbe en le brisant et d’avoir maîtrisé nos adversaires par la force de votre bras[1]. »

Des étrangers, des gens très froids, négocians italiens, résidant à Bruges, environnés, si j’ose dire, de l’esprit adverse, entrent à pleine voile dans l’idée du miracle. On n’attend même pas que les faits soient advenus : on les affirme comme accomplis aux récentes commémorations évangéliques : « Le 24 juin, fête du bienheureux et gracieux Jean-Baptiste, ledit Dauphin, accompagné de la damoiselle, appelée de son nom Jeanne, illuminée par l’Esprit saint, inspirée de Dieu, est arrivé à Paris, tous les Anglais avec le Duc de Bourgogne en étant sortis pacifiquement ensemble ; ladite damoiselle et messire le Dauphin étant à Paris avec ses barons et chevaliers prospérant et se réconfortant, acclamé comme souverain dans les terres et châteaux et villes de France, il fut fait de très notables fêtes, le Dauphin prenant courage avec la damoiselle et pardonnant à toutes gens… Ladite damoiselle fit cette réconciliation en cette manière que, pendant un ou deux ans, les Français et les Anglais, avec leurs seigneurs, devront se vêtir d’étoffe grise avec la petite croix, ne prendre, toute cette année, le vendredi de chaque semaine, que du pain et de l’eau, être tous en bonne union avec leurs femmes et ne plus dormir charnellement avec d’autres femmes et faire promesse à Dieu de ne vouloir user, en nulle manière, d’aucun discorde de guerre. Et, ensuite, cette damoiselle a dit à messire le Dauphin qu’elle veut aller à Rome (ou à Reims) pour le faire couronner de sa couronne de toute France. Tout ce qu’elle a dit s’est accompli ; les paroles de ladite damoiselle sont toujours vérité ; elle est venue pour accomplir de magnifiques choses en ce monde. Amen[2]. »

En Lorraine, pays de Jeanne, on voit la fuite des Anglais sur la mer :


Anglais ont pris barque à plenté
Par la mer en Angleterre s’en sont rallés !
  1. Nouveau document, etc., publié par L. Delisle, Champion, 1905.
  2. Chronique de Morosini (III, p. 66).