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Fort surpris de cette disgrâce par « quarantaine, » il veut ressaisir, de vive force, le corps et l’esprit du Roi. Mais celui-ci se dérobe. Le parti aristocratique, décontenancé, recourt en vain à une levée d’armes. L’odieux d’une guerre civile tombe sur lui. Les nouveaux conseillers de Charles VII suppléent par leur activité à l’autorité qui leur manque. Richemont échoue devant Bourges. Le Roi occupe Chinon, défendu par la femme du connétable, sœur du Duc de Bourgogne. Richemont est obligé de se replier vers sa Bretagne où sa fureur s’enlize dans le détail des luttes locales, tandis que ses ennemis triomphent à la Cour.

Ainsi arriva aux affaires le parti qui gouvernait au temps de Jeanne d’Arc. Le Conseil est alors composé, sous l’autorité à peine avouée de La Trémoïlle, d’hommes d’affaires expérimentés, mais prêts à toutes les besognes, Robert Le Maçon, Regnault de Chartres, Guillaume d’Albret, les sires de Gaucourt et de Belleville. Le Duc d’Alençon s’est rattaché à ce parti. A l’armée, le bâtard d’Orléans, gendre du président Louvet, La Hire, Xaintrailles, Villars, Florent d’Illiers sont fidèles à la cause royale, ou plutôt, ils restent du côté où on se bat.

Parmi ces mutations, l’opinion ne sait plus auquel croire. Les gens des bonnes villes, que ces concurrens accablent de leurs protestations et de leurs correspondances, veulent, au fond, deux choses difficilement conciliables : rester Français, mais en même temps et tout de suite, la paix.

Les Etats généraux sont réunis à Chinon, dans les derniers jours d’octobre 1428. Là se manifeste, avec une intensité extraordinaire, l’esprit de résistance de la nation, et surtout des provinces du Midi, contre la conquête anglaise. Mais, aussi, les Etats se prononcent en faveur d’une politique qui est, au fond, celle du connétable et des ducs, la politique de la « paix de Bourgogne » : « La tierce requête fut qu’il plût au Roi de vouloir entendre, par tous les moyens possibles, à la paix de Mgr le duc de Bourgogne et trouver le moyen de le rejoindre et unir à Sa Seigneurie. » Et encore : « Pour les raisons ci-dessus déclarées, qu’il plaise au Roi attraire par devers lui, en bon amour et obéissance et à son service, Mgr le Connétable et, pour ce faire, lui plaise continuer ambassades et traités qui ont été commencés. »

Il y avait, dans ces déclarations, une nuance très fine et une idée très juste. Le peuple étant las, épuisé, à bout de forces,