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à la Grèce. Renonçant à des espoirs qui se feront plus chimériques à mesure que se fortifiera la Turquie, chacun de ces pays travaillera à organiser sa vie économique, à mettre en valeur ses richesses naturelles, à améliorer ses voies de communication et ses débouchés vers l’extérieur. Dans les entretiens récens du roi Ferdinand avec les hommes d’Etat turcs, il n’a été question, dit-on, que de chemins de fer et de conventions commerciales. La constitution d’une union fédérative, tout au moins la conclusion d’une alliance défensive entre les Etats balkaniques, serait de nature à faciliter, pour chacun d’eux, cette œuvre de progrès interne.

C’est en Serbie que le projet d’une confédération trouve ses partisans, les plus chaleureux, tels M. Pirotchanatz, M. Novakovitch, naguère encore président du Conseil, M. Pachitch, actuel président du Conseil, et, avec lui, tout le parti « radical » qui le reconnaît pour chef. C’est en effet à la Serbie surtout que la confédération serait avantageuse : isolée de la mer, elle a, plus qu’aucun autre État, besoin du concours de ses voisins pour l’exportation de son bétail, de ses porcs et de ses fruits. Mais elle n’est pas la seule pour qui la carte politique ne recouvre pas, tant s’en faut, la carte des nationalités. On peut dire de tous les Etats balkaniques qu’ils sont inachevés. Beaucoup de Serbes, beaucoup de Bulgares vivent en dehors des frontières des deux royaumes. Quant au Monténégro, nous montrions récemment ici que, dans ses limites actuelles, il ne paraît pas viable[1]. La Grèce, géographiquement mieux située, languit, démoralisée par le bavardage de ses politiciens et l’indiscipline de ses militaires, ruinée par des ambitions sans proportion avec ses forces. La Bulgarie et la Serbie s’épuisent en arméniens et s’entêtent dans une rivalité sans objet, puisque la Macédoine, dans une Turquie régénérée, restera partie intégrante de l’Empire Ottoman. Leur mésintelligence, savamment attisée par l’art subtil des diplomaties qui en profitent, n’a aucune cause irréductible. Une volonté sincère d’accord viendrait à bout des différends superficiels qui les séparent. Moins profondes encore et moins justifiées sont les difficultés qui mettent quelque acrimonie dans les rapports de Belgrade avec Cettigne. Entre Athènes et Sofia, le principal objet de discorde, c’est encore la Macédoine.

  1. Voyez la Revue du 1er mars.